La Coalition du G5 Sahel qui regroupait la Mauritanie, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad est maintenant un souvenir, à moins que la situation qui l’a conduite vers cette lente agonie ne change. Le retrait du Niger et du Burkina Faso, il y a quelques jours, après celui du Mali, a porté le coup de grâce à une Coalition à cinq que l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz avait lancé, à partir de Nouakchott, en 2014.
Le désengagement de 3 pays sur cinq du G5 Sahel n’est pas un échec pour la France, contrairement à ce que pensent certains, mais bien de la Mauritanie initiatrice de cette coalition, sous Aziz, et dont la diplomatie actuelle n’a pas su entretenir un tel acquis qui avait fait de Nouakchott un partenaire incontournable dans la région sahélo-saharienne.
D’aucuns pensent qu’il s’agit d’un autre impair à mettre dans cette volonté, de plus en plus manifeste, d’effacer, par tous les moyens, tout ce qui est lié à Aziz. Ainsi, «Tadamoun» a mué en «Taazour», l’Upr a été rebaptisé en «Insaf», le Festival des villes anciennes devient celui des «Cités du Patrimoine» !
Comme si on voulait se débarrasser d’une réalisation d’Aziz.
Pour le G5 Sahel aussi, Ghazouani donne l’impression de vouloir en finir avec ce «machin» créé par Aziz et qui a donné tant de succès diplomatiques à la Mauritanie. C’est ainsi qu’il faut comprendre le peu d’intérêt accordé par la Mauritanie au retrait du Mali que les cartes détenues par Nouakchott pouvaient rendre évitable.
Sanctionné par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le Mali pouvait bénéficier de l’aide précieuse de la Mauritanie en acheminant, à partir du Port autonome de Nouakchott, une bonne partie des marchandises qui transitaient par les ports de Dakar et d’Abidjan. Au lieu d’exploiter cette opportunité pouvant faire revenir Bamako dans le giron du G5 Sahel et ne pas servir d’exemple au Burkina Faso et au Niger, Ghazouani a préféré s’en voler pour Abuja (Nigeria) où les pays de la Cedeao s’étaient donné rendez-vous pour adopter des sanctions contre les régimes en transition démocratique !
Contrairement à Aziz qui fourrait son nez à toutes les crises régionales (de la Libye en passant par le Mali à Gao sans oublier la crise post-électorale en Gambie; Ghazouani s’est désintéressé de la région et particulièrement le Sahel qui constitue non seulement le prolongement géographique de la Mauritanie mais aussi géostratégique.
L’on a compris depuis lors que les orientations géostratégiques de Ghazouani étaient diamétralement opposées avec celles de son prédécesseur. On joue maintenant la partition des pays du Golfe alors que nos intérêts sont plus importants avec les États de l’Afrique de l’Ouest. La dislocation de la coalition antiterroriste du G5 Sahel entérinée par 3 pays sur 5, suivant l’article 20 de la Charte, semble être le but recherché par un pouvoir qui, depuis son arrivée en août 2019, travaille à effacer toutes traces laissées par Aziz. Au préjudice de la Mauritanie et de toute la sous-région.
Avec toutes les crises qu’a connues le Sahel, en commençant par celle toujours en cours au Mali, post-coup d’État allant au Niger en passant par le Burkina, jamais Ghazouani n’a effectué une médiation, ne serait-ce que pour apaiser les tentions entre le partenaire stratégique qui est la France et les voisins alliés du G5 Sahel. Bien au contraire la diplomatie mauritanienne est restée en retrait, en spectateur.
Pourtant, du point de vue stratégique, Ghazouani devait tout entreprendre pour la survie du G5 Sahel, un regroupement dont les instances les plus importantes sont en Mauritanie et qui a permis, quoiqu’on dise, à la mise à niveau des armées des pays membres et notamment celle de notre pays. C’est une erreur que de considérer que «tuer» le G5 Sahel c’est comme dénier à Aziz sa paternité ! Maintenant que cette coalition n’existe plus, ni de facto ni de jure, place à l’Alliance Sahel que le Mali, le Burkina Faso et et le Niger veulent substituer au G5 Sahel. Soutenus par la Russie, à travers le groupe Wagner, cette nouvelle coalition bénéficie de l’équilibre des forces qui facilitera la prise de position entre les différents membres dont aucun ne cherche à exercer son hégémonie sur les autres. Mais ce que la Mauritanie doit aussi comprendre c’est qu’elle doit désormais, agir seule pour préserver son flanc sud. L’efficacité dont notre armée a toujours fait preuve, du temps d’Aziz, a toujours été prouvée, dans le cadre du G5 Sahel ou non. Elle sera probablement éprouvée avec Ghazouani.
Ceux qui reprochent aux trois pays désengagés du G5 Sahel leur nouveau choix stratégique leur font un mauvais procès.
Ainsi voyant plus clair, ils ont compris que le bateau G5 Sahel chavire, sachant que les personnes à bord ont mis du temps avant de sauter, pas par peur mais par manque d’alternatives ou d’innitiatives diplomatiques afin de préserver cette organisation. A partir de cet instant, il était facile de prédire la dislocation de cette organisation. Vu sous cet angle donc, la diplomatie mauritanienne pourrait être reconnue coupable de non-assistance à personne en danger. Alors le sauvetage par soi et pour soi était devenu une nécessité engageant la responsabilité collective de ces trois États (Mali, Burkina Faso, Niger) qui sont le centre du Sahel alors que la Mauritanie et le Tchad en sont les extrêmes
Moulaye Najim Moulaye Zeine
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