Les urnes livreront leur verdict, dans quelques jours, annonçant le vainqueur de la présidentielle du 29 juin qui, selon tous les observateurs, ne peut être que le président sortant Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani poussé vers la victoire par une puissante machine de guerre comprenant le ghota politique du pays, depuis l’indépendance à nos jours, l’élite intellectuelle, les hommes d’affaires et les chefs de tribus. Même s’il y a une probabilité très faible que le président sortant puisse être entraîné vers un deuxième tour, prévue par les scenarii de »CENI-My » , c’est bien Ghazouani qui empochera la mise au final.
Le grand tort de bon nombre de jeunes Mauritaniens est d’avoir pensé qu’il serait possible de faire de la situation en Mauritanie un avatar de ce qui s’est passé au Sénégal voisin alors que les contextes sont complètement différents. Certes, comme chez nos voisins du sud, une écrasante majorité de Mauritaniens en ont marre de la situation désespérée – et désespérante – que connaît le pays depuis la « succession » de Ghazouani à son ami de longue date Aziz, devenu ennemi, mais la « résistance » du Système est telle que considérer Biram comme un Messie, un sauveur, ne suffit pas pour changer la donne.
Pourtant, par ses pratiques nauséabondes, le pouvoir de Ghazouani a réussi à liguer contre lui tous ceux qui aspirent au changement. Cela est parti du refus des parrainages, pour de jeunes candidats comme Nourredine Mohamedou et Ahmed Sambe Abdallahi, au retour aux pratiques de pression (la carotte et le bâton) dignes des purs moments des régimes d’exception.
C’est pourquoi, non seulement le pouvoir a tué l’opposition en ramenant dans son giron Ahmed Ould Daddah, Messaoud Ould Boulkheir, Jamil Mansour, Ghoulam et tant d’autres, mais l’espoir chez la jeunesse de voir une gouvernance autre que celle qui maintient une sorte de statu quo ante depuis le coup d’Etat de juillet 1978.
Mais, le grand enseignement à tirer de cette campagne électorale qui touche à sa fin est, sans doute, la stature nouvelle que prend l’opposant et candidat Biram Dah Abeid. Sans même attendre les résultats, l’on peut dire que toutes les projections font de lui le grand rival de Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani mais le grand gagnant, non pas que Biram a réussi, au cours de cette campagne présidentielle de 2024, à se départir du statut handicapant de « candidat des haratines« , de porte-étendard de la communauté qui, certes, constitue l’essentiel de son électorat, pour attirer vers lui, par un discours apaisé et rassembleur, des franges importantes de la communautés négro-africaines mais maure blanche et surtout de sa jeunesse. C’est en cela que l’on peut dire que si Biram ne parvient pas à gagner la présidentielle de ‘CENI-My’, il aura quand même réussi à revêtir l’uniforme de présidentiable parce qu’il est devenu le candidat adoubé par une partie des Mauritaniens, toutes communautés confondues, et non plus celui qui s’identifiait uniquement à une faction sociale au nom d’une quête de réparation d’un préjudice historique et humanitaire.
C’est pourquoi, ceux qui écoutaient, avec un sourire en coin, le refrain mélodique et lyrique de la chanson de campagne de Biram , en 2019, « Biram Intè El emel’’ litelèrent ‘’Biram tu es l’espoir« , sont convaincus, en 2024, que c’est une option loin d’être négligeable
Ghazouani place son deuxième mandat pour la jeunesse, alors Plus de 35.000 jeunes Mauritaniens ont franchi la frontière américaine via le Mexique, rien que ces deux dernières années. Ils ne sont découragés ni par le périple long et couteux ni par les nombreux risques encourus, leurs seuls soucis et de quitter soleil d’un pouvoir qui ne leurs donne aucune chance de s’épanouir, dans un pays dont 62% de la population a moins de 27 ans
Ghazouani qui s’attire l’allégeance d’anciens opposants au crépuscule de leur vie, et d’autres qui auront cédé à l’appel des intérêts personnels, il n’aura pas réussi à gagner la sympathie et l’estime d’un peuple de plus en plus meurtri dans sa chair et criant, haut et fort, dans toutes les villes et dans tous les meetings, son ras-le-bol.
Si Biram a perdu les présidentielles de 2014 et de 2019, et s’il risque fort de perdre aussi celle de 2024, car CENI-My a »ses raisons que la raison ignore ’’ , Biram Dah Abeid aura, comme réconfort, d’avoir changé de dimension. Il n’est désormais plus le candidat d’une communauté donnée mais de nombreux Mauritaniens, appartenant à toutes les communautés nationales, qui voient en lui l’espoir d’une alternance pacifique dont les conditions seront peut-être réunies en toute occasion. Qui sait ?
Moulaye Najim Moulaye Zeine
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