Mauritanie: Trois Questions pour un Expert/ Sidi Mohamed Dhaker “ La Mauritanie a cumulé du retard en matière de finance digitale par rapport à ses voisins mais ce retard est en train d’être rattrapé”

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Sidi Mhd Dhaker

FinTech est une abréviation combinant les termes financial et technologies ou technologies financières. Le domaine dela FinTech au sens large regroupe l’ensemble des sociétés mettant en œuvre des solutions innovantes visant à améliorer ou repenser le secteur financier.
Parmi les acteurs de la FinTech, se retrouvent des services d’investissement, des assurances, des banques, ou encore des spécialistes du trading. Leur but est de proposer de nouveaux modèles de transaction dans leurs domaines respectifs. Les start-up de la FinTech bousculent alors les systèmes traditionnels et les acteurs historiques doivent ainsi se réinventer. Alors qu’en 2008 le marché de la FinTech pesait 930 millions de dollars, ce chiffre est passé à 22 milliards de dollars en 2015 et à 135,7 milliards en 2019.

Pour mieux comprendre cette technologie financière, nous avons approché notre jeune leader et expert en la matière pour nous en parler d’avantage ; il s’agit de Sidi Mohamed Dhaker qui est actuellement Conseiller du Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie où il a été précédemment Directeur de Cabinet du Gouverneur, Directeur de la stratégie et de la communication. Il est également Professeur Associé d’économie et de management à l’Université de Nouakchott et l’Ecole Nationale de l’Administration. Au niveau international, il est membre du Conseil d’Administration de l’Africa Fintech Forum (AFF), du Maghreb Economic Forum (MEF) et membre fondateur l’organisation A New Round-table on African Debts (A New ROAD), entre autres. M. Dhaker est diplômé de l’Université de Versailles, de HEC Paris, de l’Université Paris 12, de Georgetown University et de l’Université de Georgia. Il a reçu plusieurs distinctions internationales en tant que jeune leader dont la dernière fût le Choiseul 100 Africa, un classement annuel des 100 jeunes leaders économiques africains publié par l’Institut Choiseul.
Sidi Mohamed Dhaker vient de participer à l’organisation de l’Africa Fintech Forum qui a eu lieu à Abidjan (Côte d’Ivoire) du 23 au 24 novembre.

Points Chauds : En tant que membre du Conseil d’Administration de l’Africa Fintech Forum, vous venez de participez à l’organisation de l’événement continental THE AFRICA FINTECH FORUM 2021 qui vient de clôturer ses travaux à Abidjan, pouvez vous nous parler de l’organisation et de cet évènement majeur?

Sidi Mohamed Dhaker : Tout d’abord permettez-moi de vous remercier pour cette occasion qui va me permettre d’éclairer les lecteurs sur le concept et l’objet des Fintech. Le terme « fintech » est tout simplement la contraction de « Financial Technology » (ou « technologie financière » en français). Ce concept a émergé au début des années 90 avec le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) et leur application dans le domaine financier, et a bien évolué depuis lors. Aujourd’hui, le concept est souvent utilisé comme un « Buzz Word » pour parler des startups non financières à fort caractère technologique pénétrant le secteur financier et proposant des services de « finance digitale », alors qu’il peut aussi inclure les acteurs traditionnels comme les banques qui intègrent les nouvelles technologies financières.
L’Africa Fintech Forum (AFF), dont j’ai le plaisir de faire partie du board, est la principale organisation à but non lucratif en Afrique qui s’efforce de préparer le développement de l’industrie fintech africaine. Il s’agit de la plus importante plateforme en Afrique francophone de réflexion, d’action, de développement de connaissances et de réseautage dédiée à la promotion et au développement des Fintech.
AFF soutient le développement de l’écosystème et facilite une collaboration inclusive entre ses acteurs de la fintech. A titre d’exemple, AFF a initié ou soutenu la création de plus d’une dizaines d’associations nationales de fintech en Afrique de l’Ouest, du Nord et centrale. Elle a également lancé et collaboré à plusieurs initiatives telles que l’Open Banking Africa Working Group et la Chaire Africa Fintech. Aussi, l’AFF fournit et diffuse des informations pour comprendre le marché africain des fintech et développer des connaissances, principalement sur l’industrie fintech. L’AFF développe également une collaboration avec les régulateurs, les agences gouvernementales, les centres financiers et les parcs technologiques pour améliorer l’écosystème. Chaque année, l’AFF organise l’Africa Fintech Tour, un voyage fintech à travers les pays africains ainsi que son événement phare, THE AFRICA FINTECH FORUM.
L’événement « THE AFRICA FINTECH FORUM 2021 », qui vient de clôturer sa troisième édition, et dont j’ai eu l’honneur de participer à l’organisation cette année, est un évènement africain qui met en valeur les marchés fintech africains et participe à attirer l’investissement sur ces marchés. Il œuvre à la promotion et au développement de l’inclusion financière pour développer une communauté de réflexion et d’action.
La 3ème édition qui à eu lieu du 23 au 24 novembre à Abidjan autour du thème « Paver toute l’industrie de la Fintech africaine » a réuni plus 600 délégués, venant de toute l’industrie (fintechs, banques, assurances, télécoms, microfinance, investisseurs, consultants, régulateurs, organisations internationales de développement,…) et de tous les continents ; pour ensemble identifier les challenges, les opportunités et les actions pour développer l’industrie de la Fintech en Afrique. THE AFRICA FINTECH FORUM 2021 est un évènement unique qui a couvert cette année les thèmes principaux de l’Industrie : inclusion financière, Open Banking, Capital Market, Investissement, Droit & régulation.

Points Chauds: Quelles sont la réalité et les perspectives des fintech en Afrique ? et comment la finance digitale et les fintech pourraient contribuer au développement économique du continent ?

Sidi Mohamed Dhaker: L’Industrie des fintech, qui est arrivée tardivement sur le continent, est en pleine expansion ces dernières années. La finance digitale et les fintech se développent rapidement. Avec la démocratisation des technologies mobiles et la couverture grandissante de l’internet, de nombreuses opportunités ce sont créés dans le secteur financier. Ces entreprises, souvent des startups, concurrencent désormais, mais complémentent également, les institutions financières classiques avec leurs technologies et solutions innovantes. Les fintech proposent par exemple des solutions de financement, de crédit, de dépôt ou encore de systèmes de paiement. Elles sont, pour le moment, principalement positionnées sur des marchés de niche, notamment le paiement de détail et le transfert d’argent, mais tendent à se développer pour offrir aux clients et aux entreprises les mêmes prestations qu’offrent des institutions financières classiques telles que les banques et les assurances. De plus en plus d’investisseurs et de grandes entreprises investissent dans les fintechs car ils se rendent compte de l’importance de celles-ci dans le développement économique, notamment en matière d’inclusion financière.
L’inclusion financière, quant-à-elle, constitue un catalyseur de la croissance économique et un puissant levier de développement économique et social, en ce qu’elle facilite la participation des couches sociales les moins nanties, exclues généralement de l’accès aux services financiers, à la création de richesse. Par conséquent, il n’est donc pas étonnant qu’elle soit placée au centre de toutes les politiques de développement visant à accélérer la croissance, à lutter contre la pauvreté et à réduire les inégalités sociales.
Depuis quelques années, à travers le monde, l’inclusion financière connait une véritable accélération avec le développement de la finance digitale. L’inclusion financière ne se limite pas à la possession d’un compte bancaire mais suppose l’existence et la régulation d’un système financier complet et performant. Dès lors, dans les pays africains, dont le marché financier demeure, sous plusieurs aspects, en phase de premier équipement et où les clients des banques commerciales représentent moins de 10% de la population, la finance digitale peut jouer un rôle déterminant.
L’inclusion financière ne désigne pas seulement l’accès à des services de base mais la mise en œuvre, à une large échelle, de ces derniers. Avec la finance digitale, cela peut être envisagé sous des modalités nouvelles et originales. Dans des pays où les taux de bancarisation demeurent faibles et insuffisants, en effet, l’accès aux services financiers peut reposer sur des approches tout à fait innovantes mobilisant les technologies de pointe (blockchain, intelligence artificielle, cloud computing, etc.) mais aussi mettant en place des stratégies d’éducation financière.
Loin d’exclure les institutions financières traditionnelles, tout au contraire, la finance digitale favorise la constitution d’un écosystème ouvert à de nouveaux acteurs et à de nombreux partenariats. Avec les blockchain, par exemple, est en effet apparu un modèle de fonctionnement et d’organisation des activités monétaires et bancaires fondé sur l’interaction des différentes parties prenantes, dans le cadre de processus de traitement harmonisés, simplifiés et automatisés, synonymes de coûts avantageux.
Le foisonnement des fintech en Afrique a permis, dans un premier temps à travers l’argent mobile (mobile money) et les banques digitales (mobile banking), de réaliser déjà des résultats spectaculaires en termes d’inclusion financière. Ainsi, en 2020, le nombre de comptes de paiement mobile (ou compte bancaire mobile) actifs en Afrique a atteint plus 116 millions d’utilisateurs. La valeur des transactions a quant à elle dépassé 495 milliards de dollars. Les perspectives sont encore prometteuses avec l’élargissement de l’écosystème de mobile money et les nouvelles solutions qui proposent des servies au-delà de l’argent mobile notamment en matière de micro-crédit, de micro-assurance, d’épargne et d’investissement, de transferts du Gouvernement aux personnes (G2P) et de e-Gouvernement ainsi que le transfert de fonds internationaux.

Points Chauds : Qu’en est-il de la Mauritanie ? Quelles sont les perspectives de la finance digitale dans le pays ?

Sidi Mohamed Dhaker : La Mauritanie a cumulé du retard en matière de finance digitale par rapport à ses voisins mais ce retard est en train d’être rattrapé avec le nouveau cadre légal relatif aux transactions électroniques adopté cette année et l’émergence des premiers opérateurs de mobile money et de mobile banking depuis 2020. Il faudra aussi souligner la forte volonté politique du Président de la République et du Gouvernement en faveur de la digitalisation qui s’est manifestée récemment par la création d’un département ministériel chargé de la transition numérique ainsi que la vision de la Banque Centrale de Mauritanie (BCM) qui fait de l’inclusion financière et du développement de la finance digitale des leviers de sa stratégie.
Néanmoins, à l’heure où la Mauritanie aspire à accélérer son passage à l’économie numérique, de nombreux défis restent à relever. La Mauritanie est encore marquée par une bancarisation et un accès insuffisant de sa population aux services financiers (taux d’inclusion financière autour de 30%), un recours excessif, trop souvent obligé au cash, ainsi qu’un accès limité au crédit et à des solutions sécurisées d’épargne. Toutefois, la finance digitale offre des perspectives très prometteuses afin d’améliorer sensiblement l’inclusion financière, notamment à travers l’intégration des innovations technologiques. Cela se traduira, pour les Mauritaniens, par l’accès à une multitude de nouveaux services. Et, à mon sens, la finance digitale fera surtout naitre ainsi des exigences. Ce sera sans doute un bouleversement profond. Plus de transparence et de sécurité, plus de traçabilité, des coûts réduits et une conservation documentaire sécurisée. Voilà ce que la finance digitale et les fintech apporteraient indéniablement au secteur financier mais aussi aux usagers des services financiers.
Toutefois, rien de tout cela ne sera possible si les législations et réglementations nationales ne l’autorisent ni ne l’encadrent. Ces dernières années, la Banque centrale de Mauritanie a ainsi engagé d’importantes réformes. Depuis 2018, six lois sont notamment venues renforcer le cadre législatif des activités bancaires et financières en Mauritanie dont la récente loi sur les transactions électroniques qui est venue créer un environnement réglementaire propice au développement de la finance digitale. Aussi, l’acquisition de plateformes technologiques de règlements a été lancée, particulièrement avec le Projet d’Appui à la Modernisation de l’Infrastructure Financière (PAMIF). Dans ce contexte, reconnu comme partie prenante de la stabilité financière, l’inclusion financière est devenue une mission nouvelle des instances de régulation. La BCM, consciente du rôle de l’inclusion financière dans le développement économique en général et la stabilité financière en particulier, a entrepris depuis plusieurs années une série de mesures clés parmi lesquelles l’élaboration de la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière (SNIF) en Mauritanie.
En somme, nous pouvons raisonnablement nous attendre une évolution majeure de la finance digitale et à un foisonnement des fintech durant les prochaines années créant ainsi les conditions d’une meilleure inclusion financière de la population.
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Propos recueillis par Souleymane Bahir

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