Mauritanie/ BP : la Cour des comptes dénonce un laxisme inquiétant dans la gestion des projets gaziers

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BP-PHOTO

BP, Cour des comptes et inertie d’État : le gaz mauritanien pris dans les filets du laxisme

 La Cour des comptes mauritanienne épingle BP pour ses retards et manquements dans les projets gaziers BirAllah et GTA. Pendant que le Sénégal imposait la rigueur, Nouakchott s’est murée dans un silence coupable, laissant BP agir sans contrôle.

Alors que la Mauritanie rêve de devenir une puissance gazière, un rapport explosif de la Cour des comptes révèle des années de laxisme administratif. Retards, documents vides, absence de suivi… BP n’a pas respecté ses obligations, et le ministère du Pétrole n’a rien dit. Pire : là où le Sénégal a su dire non au géant britannique, Nouakchott a préféré se taire.

Un rapport qui dérange

Remis récemment au président Mohamed Cheikh El Ghazouani, le rapport de la Cour des comptes fait l’effet d’un séisme dans le secteur gazier. L’entreprise BP, partenaire clé des projets BirAllah et Greater Tortue Ahmeyim (GTA), y est sévèrement mise en cause pour retards répétés, documents incomplets et manque flagrant de transparence.

Les magistrats dénoncent des rapports livrés hors délais, souvent dépourvus d’informations essentielles : paiements fiscaux, état des actifs, stocks après exploration. Certaines pages étaient même totalement vides. Et tout cela, sans réaction ferme du ministère du Pétrole, pourtant chargé de veiller au respect des contrats.

Un laxisme ministériel qui interroge

Le rapport souligne que BP renvoyait régulièrement le ministère à des “contrats soumis à approbation”, sans jamais fournir les copies nécessaires. Le département s’est contenté d’attendre, sans jamais exiger.

« BP envoyait des dossiers incomplets, et le ministère se taisait. On reportait toujours à plus tard. À force, plus personne ne contrôlait rien. »
— Fonctionnaire du secteur pétrolier, sous couvert d’anonymat

Ce mutisme administratif est devenu un symbole de faiblesse institutionnelle. La Cour pointe un manque de coordination et une absence de vigilance qui ont vidé le contrôle public de sa substance.

Pendant que Dakar tenait tête à BP

Le contraste est saisissant. Au Sénégal, les autorités n’ont jamais hésité à tenir tête à BP sur le même projet GTA. Le ministère sénégalais du Pétrole et des Énergies a imposé un cadre strict : chaque échéance, chaque redevance, chaque clause de contenu local faisait l’objet d’un suivi rigoureux.

En 2023, Dakar avait même gelé temporairement certaines procédures jusqu’à ce que BP fournisse les documents exigés. Les discussions avaient été fermes, parfois tendues, mais efficaces.

« BP a vite compris qu’au Sénégal, les règles du jeu se respectaient. »
— Ancien cadre de Petrosen

À Nouakchott, au contraire, aucune exigence comparable. Le ministère a laissé faire, comme si le simple prestige du partenariat valait contrôle. Résultat : un opérateur étranger sûr de son impunité, et un État qui peine à se faire respecter.

Des signaux d’alerte ignorés

En mars 2025, une fuite de gaz est détectée sur le site GTA. BP reconnaît l’incident, le qualifiant de “mineur”. Mais pour les observateurs, l’épisode illustre les failles de gestion du projet. Là encore, aucune réaction ferme du ministère mauritanien.

Certaines sources internes parlent d’une prudence diplomatique vis-à-vis d’un investisseur jugé intouchable. Mais à force de prudence, le contrôle s’est transformé en complaisance.

BP, un partenaire encombrant au passé lourd

À l’international, BP traîne une réputation sulfureuse. L’entreprise n’a jamais effacé l’ombre du désastre écologique de Deepwater Horizon (2010), ni les litiges commerciaux récents liés à la gestion du projet GTA. En 2024, un arbitrage controversé a accordé à BP le statut d’acheteur exclusif du gaz produit, consolidant son pouvoir sur la chaîne de valeur régionale.

La Mauritanie connaissait ce passif. Mais elle n’a pas su — ou voulu — imposer des garde-fous.

Quand le silence devient faute d’État

Ce qui choque aujourd’hui, ce n’est pas seulement le comportement de BP, mais le mutisme du ministère du Pétrole. Aucune mise en demeure, aucune sanction, aucun audit public. Cette inertie politique, que certains qualifient de laxisme d’État, a fragilisé la position de la Mauritanie dans un secteur stratégique.

« À force de ménager les investisseurs, on finit par perdre la maîtrise de ses propres richesses. »
— Économiste mauritanien

Une réforme urgente du contrôle public

  • Publication intégrale des rapports trimestriels et annuels de BP ;
  • Création d’un observatoire public du gaz ;
  • Renforcement de l’indépendance de la Cour des comptes.

Ces réformes viseraient à restaurer la confiance et à garantir que plus jamais un opérateur étranger ne puisse jouer avec les marges de la souveraineté mauritanienne.

 Le Sénégal a montré la voie

Le rapport de la Cour des comptes ne condamne pas seulement BP. Il révèle une faillite de gouvernance : celle d’un ministère qui n’a pas su protéger les intérêts nationaux.

Pendant que Dakar imposait la rigueur, Nouakchott cultivait le silence. L’un a défendu son autorité ; l’autre a laissé filer la sienne.

Car dans le silence du ministère, c’est la voix de l’État qui s’éteint. Et quand l’État se tait, ce sont les multinationales qui écrivent l’histoire à sa place.

 

Ould EBeya

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