Benoît Verdeaux: «Le sommet Afrique-France doit faire entendre les forces vives des pays africains»

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C’est une première, au sommet Afrique-France du 8 octobre prochain à Montpellier, dans le sud de la France : il n’y aura aucun chef d’État africain.

Pourquoi Emmanuel Macron préfère-t-il dialoguer avec les sociétés civiles plutôt qu’avec ses homologues africains ? Au risque d’être bousculé par ces sociétés civiles sur des sujets comme l’axe franco-tchadien. Benoît Verdeaux a été le numéro 2 de l’Agence française de développement (l’AFD) en Côte d’Ivoire.

Aujourd’hui, il est le secrétaire général du Sommet de Montpellier. À Paris, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : À Montpellier, il y aura un sommet Afrique-France sans aucun chef d’État africain. C’est une première. Est-ce à dire que vous ne faites plus confiance aux dirigeants politiques africains pour démocratiser et pour développer leur pays ?

Benoît Verdeaux : Les sommets de chefs d’État sont fondamentaux, très importants et utiles. La question, c’est que ce sommet-là -ce nouveau sommet Afrique-France- sa vocation, sa nature même, c’est de réfléchir à réinventer, redynamiser les relations entre l’Afrique et la France. Et peut-être que, pour faire cela, plutôt qu’un sommet de chefs d’État un peu classique, il est peut-être plus intéressant de se mettre à parler entre forces vives africaines et françaises. Forces vives, cela veut dire la société civile, les entrepreneurs.

Et que répondez-vous à ceux qui disent dans l’entourage de certains présidents africains que ce sera le sommet des opposants ?

Pas du tout. Parmi les invités ou les gens qui s’inscrivent pour participer à ce sommet, ce ne sont pas des leaders politiques engagés. En revanche, pour la plupart du temps, ce sont des jeunes, dont la moyenne d’âge sera plutôt basse, par rapport à ce que l’on a l’habitude de voir sur les forums internationaux. Cela va tourner autour de trente, trente-cinq ans. Et ce sont des jeunes –femmes et hommes– qui ne sont pas forcément, effectivement, dans l’action politique. Donc non, il ne s’agit pas d’un sommet des oppositions.

Au Mali, au Tchad, en Guinée… Depuis un an, les coups d’État se multiplient en Afrique francophone. Est-ce que ce phénomène ne risque pas de polluer, de perturber les débats à Montpellier ?

Forcément, le phénomène va nourrir les débats. Je pense et j’imagine que les jeunes ou moins jeunes, qui prendront la parole, auront en tête ces récentes expériences. Ce qui est intéressant de savoir, c’est de les écouter, de savoir si ce sont effectivement des perspectives de changement positif de leur point de vue, quelles sont les limites à cela… Le rôle de la France là-dedans, c’est un vrai sujet et il y a parfois des incompréhensions lourdes dont il faut parler pour pouvoir les dépasser.

Au Tchad, le soutien du président Macron à l’arrivée au pouvoir du fils d’Idriss Déby, au mois de mai dernier, cela a provoqué des manifestations anti-françaises à Ndjamena. « La France fait de beaux discours, mais elle ne fait que défendre ses intérêts », ont dit les manifestants.

Oui, c’est une parole qui remonte et on peut comprendre qu’il y ait une incompréhension. Dans l’exercice qui a été préparé pour organiser ce sommet, on a essayé d’organiser dans douze pays du continent, dont les pays sahéliens, des débats avec une prise de parole la plus libre possible, sur la présence de la France sur le continent, les atouts ou les problèmes. Et Achille Mbembe, qui a piloté ces soixante-six ateliers, je crois, qui aujourd’hui ont eu lieu à travers les douze pays –et qui ont d’ailleurs, depuis, été généralisés à l’ensemble des pays dans lesquels il y a une ambassade française en Afrique–, a listé ces thèmes. Les sujets de la gouvernance reviennent très forts, évidemment, mais en fait pas qu’eux. Le sujet de l’entreprenariat, le sujet du sport, le rôle de la France et sa contribution aux enjeux climatiques sur le continent africain, par exemple. Les égalités de droits et les égalités de genres remontent aussi beaucoup. Donc on a, sur tous ces sujets, beaucoup de prises de parole. Et l’objet de ce sommet, c’est de faire la synthèse de cela, de donner à écouter et à entendre cette parole, parce qu’elle est porteuse de propositions.

Donc vous savez que le président Macron sera attendu sur la question de la démocratie et des droits de l’homme dans des pays qui ont été l’objet de coups d’État militaires récemment…

Bien sûr. Mais je pense que le président Macron a à cœur de répondre très directement et sans filtre. C’est fondamental pour pouvoir inventer et construire ensemble le renouveau de cette relation.

Au Sahel et en Centrafrique, il y a une avancée stratégique de la Russie aux dépens de la France, ces dernières années. À quoi peut servir ce sommet de ce point de vue ?

Le principe de ce sommet, c’est de dire que, pour réinventer cette relation, on ne le fera qu’en écoutant et qu’en dialoguant avec ceux qui le font au quotidien. C’est nouveau, les autres ne le font pas ainsi. Les dialogues Afrique-France pilotés par Achille Mbembe, c’est complètement nouveau. Je ne sais même pas s’il y a eu une initiative de ce type prise par d’autres, à d’autres occasions, sur le continent. C’est-à-dire d’aller questionner les jeunesses africaines sur l’étendue globale du territoire. Et de les réunir pour inventer ces solutions. Tout cela est assez nouveau. C’est-à-dire qu’on casse et qu’on se met en rupture par rapport à ce qui était -ces grands événements, ces grand ’messes- de la relation entre l’Afrique et la France, ces grands sommets de chefs d’État… Je vois bien et nous voyons bien que d’autres États se mettent à construire cet exercice symbolique, qui est fait de beaucoup d’exercices d’expression de puissance et de surplomb. Je pense que la démarche qui est choisie par la France, c’est l’inverse. C’est d’essayer de se mettre beaucoup plus à l’horizontal, d’inventer la co-construction et d’éviter le plus possible, effectivement, les attitudes de surplomb.

Et c’est bien le paradoxe ! Au moment où Emmanuel Macron met fin aux grand ’messes entre l’Afrique et la France, Vladimir Poutine en fait en Russie ! Est-ce que vous n’êtes pas en train de perdre la partie, face à la Russie, auprès des chefs d’État africains ?

Je crois qu’il faut avoir confiance en nous, Français, et en nous Français-Africains. Notre part d’africanité et la part de France en Afrique, c’est une richesse incroyable. C’est un avantage comparatif considérable. Il est bridé. C’est-à-dire qu’il est temps d’arriver à le développer, à l’épanouir de façon beaucoup plus forte et beaucoup plus puissante. On n’a pas besoin d’exercices de démonstration de puissance, je ne crois pas. On a besoin de dialogue réel et de coconstruire ensemble. Et cela, on est peut-être les seuls à pouvoir l’initier, donc faisons-le et faisons-le maintenant. Je crois que c’est mûr.

Par : Christophe Boisbouvier

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