Le 21 février, les autorités espagnoles ont annoncé l’extradition vers les Canaries de Mohamed SS, surnommé « Mastermind », présumé chef d’un réseau de passeurs impliqué dans la disparition d’au moins 180 migrants lors de traversées vers l’archipel espagnol. Arrêté en Mauritanie le 9 août 2024, cet homme de 51 ans a été transféré à Madrid via Interpol avant d’être placé en détention provisoire pour trafic de migrants, appartenance à une organisation criminelle et violations des droits des étrangers.
D’après une enquête lancée en 2021, Mohamed SS dirigeait un vaste réseau basé à Laâyoune, au Sahara occidental, recrutant des migrants originaires d’Afrique subsaharienne, du Bangladesh et du Pakistan. Ces derniers payaient jusqu’à 15 000 euros pour un voyage périlleux : transit via la Mauritanie, puis embarquement sur des pirogues depuis le nord du pays vers les Canaries. Le réseau aurait affrété 73 bateaux entre 2021 et 2024, transportant 3 594 personnes.
Les survivants ont décrit des conditions effroyables : violences physiques, séquestrations et utilisation d’armes pour extorquer des suppléments. Les passeurs profitaient de la vulnérabilité des migrants, exposés aux intempéries et aux courants de l’Atlantique, route migratoire parmi les plus meurtrières au monde.
Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’un rapprochement entre Madrid et Nouakchott sur les questions migratoires. En août 2024, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a signé un accord visant à combattre les réseaux criminels et à réguler les flux. En échange d’un durcissement des lois mauritaniennes contre l’immigration clandestine, l’Espagne s’est engagée à faciliter l’accès légal au travail pour les Mauritaniens.
Cet accord intervient dans un contexte de crise : près de 47 000 migrants sont arrivés aux Canaries en 2024, submergeant les infrastructures d’accueil. Parallèlement, les décès ont explosé, avec 10 000 disparitions ou morts recensées sur cette route en 2024, contre 6 000 en 2023, selon l’ONG Caminando Fronteras.
Si l’arrestation de Mohamed SS est une exception, les interpellations de passeurs « intermédiaires » se multiplient. Le 21 février, sept personnes ont été arrêtées pour leur implication dans la mort de huit migrants, dont un bébé de 14 mois, lors d’une traversée fin 2024. Quelques jours plus tôt, le 29 décembre, sept autres passeurs avaient été interpellés à Tenerife après l’assassinat de quatre migrants en mer.
Ces drames soulignent l’urgence d’une réponse internationale face à des réseaux criminels qui exploitent le désespoir des migrants, transformant l’Atlantique en un cimetière maritime.