« Le Prix Yidan n’est pas une fin, c’est un levier » entretien avec Mamadou LY

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Mamadouly

« Le Prix Yidan n’est pas une fin, c’est un levier » entretien avec Mamadou LY

Mamadou LY, lauréat du Prix Yidan 2025 — Photo © Points Chauds

Recevoir le Prix Yidan est pour Mamadou LY à la fois un honneur et une responsabilité : la récompense vient reconnaître un parcours engagé pour une éducation ancrée dans les langues et savoirs locaux, et donne un levier pour élargir une approche bilingue, inclusive et techniquement adaptée aux réalités rurales africaines. Dans cet entretien, il revient sur ses racines scolaires, les premières preuves d’impact d’ARED, les résistances institutionnelles surmontées, et sa vision d’une Afrique où chaque enfant peut apprendre dans sa langue et avec fierté.

1. Que représente le Prix Yidan pour vous, personnellement et professionnellement ?

Recevoir le Prix Yidan est un immense honneur, mais surtout une responsabilité. Personnellement, c’est une reconnaissance du chemin parcouru, souvent en marge des approches dominantes, pour promouvoir une éducation plus juste, plus enracinée, plus efficace. C’est aussi un hommage aux enseignants, chercheurs, traducteurs, animateurs et communautés rurales avec qui nous avons construit ARED.

Professionnellement, ce prix donne une voix plus forte à nos convictions : que l’Afrique a des réponses à ses propres défis éducatifs, et que le changement est possible quand on croit en la langue, la culture et la dignité de chaque apprenant. Ce n’est pas une récompense de fin de parcours, mais un levier pour aller plus loin.

2. Quelles expériences ont façonné votre vision et motivé votre engagement pour transformer l’éducation ?

Mon engagement trouve ses racines dans ma propre expérience scolaire, faite de brillants enseignants mais aussi d’un système éducatif souvent déconnecté de ma réalité linguistique et culturelle. J’ai très tôt ressenti le poids du silence linguistique : cette sensation d’apprendre dans une langue que l’on comprend partiellement, de réciter sans vraiment saisir.

Plus tard, au contact de communautés rurales, j’ai vu des adultes analphabètes dans la langue officielle, mais extraordinairement compétents dans leur environnement. Cela m’a convaincu que la langue de l’école ne devait pas effacer la langue de la vie.

C’est cette tension entre la légitimité des savoirs locaux et les exigences du monde globalisé qui m’a poussé à créer un modèle bilingue, structuré, équitable.

3. Quelles ont été les premières réactions à l’approche bilingue d’ARED et quels défis avez-vous rencontrés ?

Les premières réactions ont oscillé entre curiosité bienveillante et résistance institutionnelle. Beaucoup de décideurs voyaient dans les langues nationales un frein à la réussite ou à l’unité nationale. Certains nous accusaient même de vouloir « ethniciser » l’école.

Mais les résultats empiriques ont rapidement parlé d’eux-mêmes : meilleurs scores en lecture, plus grande rétention scolaire, plus faible taux d’abandon. Ce qui était un pari est devenu une preuve.

  • Manque de manuels en langues locales ;
  • Absence de formation pour les enseignants ;
  • Méfiance des parents, souvent eux-mêmes produits d’un système francophone.

Nous avons répondu par l’expérimentation rigoureuse, la co-construction avec les communautés, et une communication transparente avec les autorités.

4. Quel rôle pour la technologie dans l’éducation africaine de demain ?

La technologie n’est pas une fin en soi, mais un multiplicateur d’impact. À ARED, nous utilisons la technologie comme un accélérateur d’équité :

  • Création de livres illustrés audio-numériques en langues locales, accessibles via téléphones simples ou tablettes hors ligne ;
  • Utilisation de l’intelligence artificielle générative pour créer des contenus pédagogiques contextualisés en plusieurs langues africaines ;
  • Développement de plateformes éducatives accessibles sans Internet, adaptées aux réalités rurales.

La clé est de décoloniser la technologie : l’adapter aux contextes, aux langues, aux usages locaux. Une IA en pulaar ou en soninké, ce n’est pas une utopie. C’est déjà en cours.

5. Quelle est votre plus grande ambition pour l’éducation africaine ? Quel message aux futures générations ?

Mon rêve est qu’un jour, chaque enfant d’Afrique puisse apprendre dans sa langue, avec fierté, sans que cela soit vu comme un désavantage. Que les langues africaines cessent d’être cantonnées à la sphère domestique, et qu’elles deviennent aussi les langues du savoir, de la science, de l’innovation.

À la prochaine génération d’éducateurs et de leaders, je dis :

  • ➡️ Ayez l’audace d’inventer.
  • ➡️ Respectez les savoirs locaux.
  • ➡️ Travaillez avec rigueur, mais sans peur.

L’Afrique n’a pas besoin de modèles copiés-collés. Elle a besoin de créateurs enracinés.

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