L’effondrement du pouvoir de Bachar al-Assad soulève une question cruciale : la Syrie post-Assad pourra-t-elle se relever ou sombrera-t-elle dans le chaos, à l’instar de l’Irak, de la Libye, du Soudan ou du Yémen ? Les leçons de ces pays, où la chute des régimes n’a pas mené à la stabilité, sont éclairantes.
Un futur incertain : le spectre des échecs passés
Les exemples de l’Irak, de la Libye et du Soudan, mais aussi du Yémen et de la Tunisie, montrent que la chute d’un dictateur ne garantit pas un avenir radieux.
En Irak, la chute de Saddam Hussein en 2003 a entraîné une fragmentation sectaire. En Libye, la mort de Kadhafi en 2011 a laissé place à une guerre civile interminable. Au Soudan, la transition post-Omar el-Béchir reste chaotique. Le Yémen, quant à lui, est ravagé par des conflits incessants où des puissances régionales poursuivent leurs intérêts. Même en Tunisie, malgré un cadre politique plus pacifique, l’instabilité persiste.
En Syrie, après plus d’une décennie de guerre civile, le pays est en ruines, divisé entre factions armées, forces étrangères et communautés fracturées. Les tensions communautaires – entre Alaouites, Sunnites, Kurdes et autres minorités – se sont intensifiées, rendant une réconciliation nationale presque utopique. À l’image du Yémen, où l’ingérence étrangère a exacerbé les conflits, la Syrie pourrait devenir un théâtre de rivalités régionales interminables.
L’ingérence étrangère : Un défi majeur
Contrairement à l’Irak ou à la Libye, la Syrie est marquée par l’ingérence constante de puissances extérieures. La Russie et l’Iran ont consolidé leur présence, soutenant Assad pour préserver leurs intérêts stratégiques. La Russie cherche à maintenir un accès en Méditerranée, tandis que l’Iran voit en Assad un pilier de son corridor stratégique jusqu’au Liban.
D’autres acteurs, comme les États-Unis, la Turquie et Israël, poursuivent leurs propres objectifs. Les États-Unis soutiennent les Kurdes tout en limitant leur implication, la Turquie vise à accroître son influence dans le nord de la Syrie, et Israël profite de l’instabilité pour renforcer sa position stratégique dans le Golan. Cette complexité géopolitique rend tout règlement de paix difficile.
Dans ce contexte, la France, historiquement influente en Syrie et au Liban, mais éclipsée ces dernières décennies par les États-Unis, doit impérativement se repositionner. Une diplomatie proactive pourrait non seulement réaffirmer son rôle au Proche-Orient, mais aussi contribuer à la stabilité régionale. Ce repositionnement pourrait également permettre à la France de compenser ses échecs récents, notamment au Sahel, en réinvestissant dans une région stratégique où elle possède encore des liens historiques.
Abou Mohammed al-Joulani : un acteur controversé
Abou Mohammed al-Joulani, chef de Hayat Tahrir al-Cham (HTC), illustre les ambiguïtés de l’après-Assad. Après avoir rompu avec Al-Qaïda en 2016, il cherche à redéfinir son image, passant de terroriste à acteur pragmatique. Si les États-Unis considèrent toujours HTC comme un groupe terroriste, certains analystes suggèrent qu’al-Joulani pourrait devenir un interlocuteur clé pour la stabilité de certaines régions syriennes.
Cette posture ambiguë reflète une politique occidentale de « deux poids, deux mesures ». En soutenant indirectement des acteurs problématiques, les États-Unis risquent de compromettre leur crédibilité, tout en favorisant une solution à court terme au détriment d’une stabilité durable.
La reconstruction : un défi colossal
La reconstruction de la Syrie exigera bien plus qu’un simple redressement économique. Le pays, fragmenté et exsangue, nécessite un véritable projet politique inclusif. Les exemples de l’Irak et de la Libye montrent que, sans réconciliation nationale et engagement international, les efforts de reconstruction échouent.
En Irak, la montée de l’État islamique et les tensions sectaires ont freiné toute stabilisation durable. En Libye la position dès le début de la communauté internationale en entreprise vendeuse des services sans l’option ‘’après-vente’’, donc aujourd’hui l’absence d’un gouvernement centralisé bloque toute initiative. La Syrie risque de suivre cette trajectoire si la communauté internationale n’intervient pas de manière coordonnée et sincère et à temps.
Eviter le piège du chaos
Si la chute du régime Assad semble, à première vue, être une libération, les dynamiques internes et externes du pays risquent de transformer ce changement en un nouveau cycle de violence et d’instabilité. Les fractures internes, les ambitions territoriales des puissances régionales, la présence d’acteurs comme Abou Mohammed al-Joulani et l’incapacité de la communauté internationale à proposer une solution véritablement inclusive et stable soulignent la fragilité de la situation.
L’histoire récente de l’Irak, de la Libye, du Soudan et du Yémen montre que la chute d’un dictateur n’est que la première étape d’un processus long, difficile et incertain. La Syrie, aujourd’hui, est à la croisée des chemins. Mais sans un leadership visionnaire, une véritable réconciliation interne et un engagement international sincère, il est probable que le pays sombre dans le même chaos que ses voisins.
La France, en particulier, a une opportunité historique de se réengager dans cette région stratégique. En agissant comme médiatrice et en soutenant une reconstruction inclusive, elle pourrait non seulement restaurer son influence, mais aussi compenser ses récents revers au Sahel, tout en contribuant à une paix durable au Proche-Orient.
Moulaye Najim Moulaye Zeine
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