Amnistie sous tension : Le Conseil constitutionnel sénégalais enterre la réforme et réveille les rivalités politique
Dans un verdict historique qui secoue l’échiquier politique sénégalais, le Conseil constitutionnel a rejeté ce jeudi une tentative de modification de la loi d’amnistie de mars 2024, adoptée sous l’ancien président Macky Sall. Cette décision, perçue comme un coup de tonnerre juridique, relance le débat sur l’impunité et les fractures héritées des années de crise.
Une loi controversée au cœur des tensions
Promulguée à la hâte en mars 2024, la loi initiale accordait une immunité judiciaire pour tous les actes commis entre février 2021 et février 2024, une période marquée par des manifestations sanglantes ayant fait 65 morts et conduit à l’arrestation de figures de l’opposition, dont l’actuel président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko. Le nouveau pouvoir, porté par une promesse de justice, avait proposé de restreindre cette amnistie pour exclure les crimes graves, meurtres, tortures, déclenchant une bataille législative acharnée.
Le Conseil constitutionnel ferme la porte
Saisi par les députés de l’opposition, le Conseil a jugé l’amendement « inconstitutionnel », estimant qu’aucune loi nationale ne peut couvrir des crimes « imprescriptibles » au regard du droit international. « Le meurtre et l’assassinat échappent à toute amnistie, car ils violent l’essence même des libertés publiques », a martelé l’institution, rappelant l’obligation de l’État de garantir le droit des victimes à la justice.
Une victoire à géométrie variable
Si la décision a été accueillie avec soulagement par les deux camps, chacun y voit une validation de son combat. L’opposition y décèle un « désaveu cinglant » du gouvernement, dénonçant une manœuvre pour « manipuler la justice à des fins politiques ». À l’inverse, le pouvoir exécutif salue un « triomphe contre l’impunité », mettant en avant la protection des victimes.
L’art de l’équilibre
Cette saga juridico-politique illustre les fragilités d’un système où chaque décision peut se muer en arme partisane. En invalidant la réforme tout en rappelant l’illégalité des amnisties pour crimes graves, le Conseil constitutionnel a habilement préservé son rôle d’arbitre, mais laissé planer une question brûlante : comment réconcilier justice transitionnelle et exigence de vérité dans un Sénégal encore divisé ?
Un an après l’alternance, le pays reste suspendu entre mémoire et oubli, alors que les plaies du passé continuent de hanter son présent