Mauritanie / Affaire de la Décennie : allégé mais toujours condamné, Ould Abdel Aziz face à l’ombre d’une amnistie

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aziz_Gazwani

La Cour suprême a allégé les charges pesant sur l’ancien président, mais maintenu sa peine de quinze ans de prison. Un verdict à double lecture, entre calcul judiciaire et équation politique.
 Il rêvait d’une réhabilitation totale, il n’aura obtenu qu’une victoire partielle.
Mardi, la Cour suprême mauritanienne a mis un point final à l’affaire dite du « Dossier de la décennie », l’un des procès les plus marquants de l’histoire politique du pays.
L’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, reconnu coupable de blanchiment d’argent et d’enrichissement illicite, voit certaines accusations tomber… mais sa peine de quinze ans de prison reste intacte.
Un verdict en apparence équilibré, mais qui soulève de profondes interrogations.

Des charges allégées, une peine inchangée
La Chambre criminelle de la Cour suprême a réduit de cinq à trois le nombre de chefs d’accusation retenus contre l’ex-président.
Les infractions de blanchiment d’argent, enrichissement illicite et recel ont été maintenues, tandis que celles d’abus de pouvoir et de détournement de fonctions ont été cassées.
En revanche, la peine prononcée reste inchangée : quinze ans de prison ferme, confiscation des biens illicites, déchéance des droits civiques et versement de 500 millions d’ouguiyas au Trésor public.
Les juges estiment que la peine maximale se justifie par la gravité du chef de blanchiment d’argent, jugé prépondérant sur les autres.
La seule atténuation concerne les dommages et intérêts, ramenés de 100 millions à 50 millions d’ouguiyas, conformément à la décision initiale du tribunal anticorruption.

Entre soulagement judiciaire et impasse politique
Sur le plan strictement juridique, l’arrêt de la Cour suprême allège la charge pénale qui pesait sur Ould Abdel Aziz.
Mais politiquement, il ne change rien à sa situation.
L’ex-président reste incarcéré, privé de droits civiques et coupé de toute perspective électorale.
Ce verdict, à la fois prudent et calculé, a surpris par son équilibre : il écarte les accusations les plus symboliques, celles qui ternissaient son image d’homme d’État, tout en confirmant la sanction principale.
Pour plusieurs observateurs, il s’agit d’un message de neutralité judiciaire, mais aussi d’un signal politique : la Cour referme le dossier sans le vider de sa portée.

L’hypothèse d’une amnistie présidentielle
Depuis l’annonce de la décision, les spéculations vont bon train dans la capitale.
En blanchissant partiellement l’ancien chef de l’État des charges les plus compromettantes tout en maintenant sa peine, la Cour suprême semble avoir ouvert la porte à un scénario politique : celui d’une amnistie présidentielle.
Plusieurs sources politiques évoquent déjà le 28 novembre 2025, date anniversaire de l’indépendance nationale, comme une occasion symbolique pour un geste de clémence du chef de l’État.
D’autres misent sur une grâce accordée à l’occasion d’une fête religieuse, suivant la tradition mauritanienne de libérations ciblées.
En toile de fond, certains analystes voient poindre un jeu de concessions :
« L’amnistie pourrait devenir un levier de négociation, à condition que l’ancien président adopte une posture de compromis politique », confie un observateur proche du dossier.
Ainsi, après la justice, c’est désormais le terrain politique qui pourrait décider du sort de Mohamed Ould Abdel Aziz.

Les coaccusés : entre cassation et maintien des peines
La décision de la Cour suprême ne s’arrête pas à l’ancien président.
Son gendre, Mohamed Ould M’Sabou, et Mohamed Salem Ould Ibrahim Fall, dit El Merkhy, ancien directeur de la SOMLEC, ont eux aussi bénéficié d’un allègement partiel.
La Cour a annulé le chef d’accusation d’abus de pouvoir, mais a confirmé ceux d’enrichissement illicite et de recel.
Leurs peines de deux ans de prison et leurs amendes de 50 000 ouguiyas sont maintenues, tout comme la confiscation de leurs biens et la privation de leurs droits civiques.
Une décision jugée « équilibrée » par certains juristes, même si elle laisse un goût amer à leurs avocats, qui espéraient un acquittement pur et simple.

La Fondation Al-Rahma dissoute
La Fondation caritative Al-Rahma, également impliquée dans le dossier, a vu sa dissolution confirmée.
Jugée coupable de blanchiment d’argent et de manquements aux obligations légales prévues par la loi n°017/2019, elle a été condamnée à une amende et à la confiscation de l’ensemble de ses biens au profit du Trésor public.
Cette décision marque la volonté de la justice de cibler aussi les structures intermédiaires soupçonnées d’avoir servi de relais aux circuits financiers illicites.

Deux ans de procès, dix mois d’audience
Le verdict de la Cour suprême met fin à un marathon judiciaire de près de deux ans.
Le 25 janvier 2023, les premières audiences s’ouvraient devant le tribunal anticorruption, donnant naissance au procès le plus long de l’histoire mauritanienne.
Après dix mois d’audiences, le tribunal rendait son jugement le 4 décembre 2023, condamnant douze personnalités, dont deux anciens Premiers ministres et plusieurs anciens ministres.
La phase d’appel, entamée en novembre 2024, s’est poursuivie durant six mois, avant que la Cour d’appel ne prononce, le 14 mai 2025, son arrêt confirmant certaines peines et en alourdissant d’autres.
Le 21 octobre 2025, la Cour suprême a finalement clos le dossier, sans renvoi, marquant la fin d’une saga judiciaire sans équivalent.

Un verdict à double tranchant
Ce procès restera dans l’histoire comme le premier où un ancien président mauritanien a été jugé et condamné pour corruption.
Pour certains, il symbolise la maturité du système judiciaire et la fin d’une impunité longtemps dénoncée.
Pour d’autres, il illustre l’imbrication persistante du politique et du judiciaire, chaque décision semblant peser d’un double sens.
En allégeant les charges tout en maintenant la peine, la Cour suprême a choisi la voie du milieu : ne pas absoudre, ne pas humilier.
Mais ce compromis juridique laisse la place à une incertitude politique : que fera le pouvoir en place de cet ex-président devenu symbole de défiance et de résilience ?
Car derrière les barreaux, Mohamed Ould Abdel Aziz n’a pas perdu sa voix, ni son influence sur une partie de la scène politique.
Et si la justice a parlé, la politique, elle, n’a pas encore dit son dernier mot.

MN

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