Recherché pour terrorisme par le monde entier, le chef touareg Iyad Ag Ghaly semble pourtant poursuivi avec bien peu d’ardeur. Et pour cause : il reste un acteur essentiel dans la région.
Iyad Ag Ghaly a beau avoir disparu des écrans radars depuis son offensive suicidaire du 10 janvier 2013 sur Konna, le célèbre rebelle touareg reste au coeur des rumeurs qui courent au Sahel. Le 8 avril, la chaîne algérienne Ennahar TV annonce l’arrestation du chef d’Ansar Eddine par des soldats français, près de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso.
À vrai dire, le bruit circule depuis une semaine. Les jours suivants, au ministère français de la Défense comme à l’état-major de l’armée malienne, la réponse est la même : « C’est faux. » « Impensable, réagit un membre des services de renseignements maliens. Qui voudrait l’arrêter ! ? »
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Iyad, c’est un cas à part. Théoriquement, il est l’un des hommes les plus recherchés au monde, placé depuis plus d’un an sur la très infréquentable liste des terroristes ciblés par les États-Unis pour ses liens avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), répertorié comme tel (terroriste) par les Nations unies, et fortement soupçonné par la justice malienne d’avoir orchestré la terrifiante attaque d’Aguelhok en janvier 2012 (une centaine de soldats maliens tués). Pourtant, personne ne songe à le chercher là où il se trouve certainement, au pied de l’Adrar des Ifoghas.
Les Algériens ? Le Malien les dérange, mais impossible de le laisser tomber. Selon les renseignements français, c’est en territoire algérien, dans les environs de Tinzaouten, tout près de la frontière malienne, qu’il se terrerait depuis quelques mois. Quand, frustré de ne pas avoir obtenu la direction du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) fin 2011, il a fondé Ansar Eddine, ce fut avec l’assentiment des Algériens. Aujourd’hui, selon des sources dignes de foi, il leur dit : « Vous m’avez demandé de créer Ansar Eddine, sortez-moi de là. »
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« L’arrêter reviendrait à déclarer la guerre aux Touaregs »
La France, qui sait où le trouver, ne semble pas plus pressée de lui mettre la main dessus. Quand J.A. demande au ministre français de la Défense s’il voit Iyad comme un terroriste, celui-ci répond : « C’est à lui de dire comment il se considère. » Autant dire que la porte est ouverte.
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À Paris, on a besoin d’Iyad pour obtenir la libération des deux otages français encore détenus dans le Sahara. Il a déjà joué un rôle central dans celle des quatre otages d’Areva, en octobre 2013. Son entourage a d’ailleurs profité de ces négociations pour tenter de lui redonner une virginité. « Promettez-lui une liberté de mouvement, ce sera plus facile« , répétaient ses proches aux médiateurs nigériens.
Quant au Mali, il ne peut pas grand-chose : ses soldats sont absents de la zone contrôlée par les hommes d’Iyad, dans les environs d’Abeïbara. « Et même si nous pouvions l’arrêter, nous ne le voudrions pas, explique notre source. Cela reviendrait à déclarer la guerre aux Touaregs. »
Certes, Iyad a pris de l’âge (60 ans) et perdu de sa superbe depuis qu’il a épousé les thèses salafistes, au début des années 2000. Mais le leader de la rébellion de 1990 reste une figure tutélaire chez les Touaregs. « On l’admire toujours autant. C’est un héros« , résume un jeune habitant d’Agadez. « Il peut amener la paix… ou la guerre. Personne à Kidal ne travaillera contre lui« , explique un médiateur du désert.
De fait, même s’il n’est pas libre de ses mouvements, il joue toujours un rôle majeur dans les décisions politiques. « Son influence sur les groupes armés et sur les Ifoghas est considérable, assure un Touareg du Niger qui le connaît bien. Plus encore que celle de l’aménokal [Intalla Ag Attaher, chef spirituel de la tribu]. On ne peut envisager de solution politique sans lui. »