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Tchad : Le putsch des généraux : l’introuvable Etat d’exception dans le discours du président du Conseil Militaire de transition

Le président du Conseil militaire de transition affirme officiellement, dans un discours prononcé ce jour 27 avril 2021, que l’organe (CMT) qu’il préside a été mis en place suite à la renonciation (‘‘renoncement’’ dans le discours) du « Président de l’Assemblée Nationale d’assumer sa responsabilité constitutionnelle face à ce péril imminent ».

Il ne donne, toutefois, pas les raisons qu’aurait avancées Haroun Kabadi pour refuser d’assurer l’intérim du Président de la République conformément aux articles 82 et 240 de la Constitution.

A supposer que les raisons médicales qu’aurait invoquées Kabadi étaient établies, les généraux ne pouvaient néanmoins pas se borner à en prendre acte pour immédiatement s’emparer du pouvoir et invoquer ensuite l’évidente nécessité de transgresser l’ordre constitutionnel.

D’une part, les dispositions combinées des articles 82 et 240 de la Constitution prévoient qu’en cas d’empêchement du président de l’Assemblée nationale, l’intérim est assuré par le premier vice-président de la même Assemblée. Ce dernier a-t-il été consulté ? Rien n’est moins sûr.

D’autre part, le constat de l’empêchement définitif est de la compétence de la Cour suprême nous dit l’article 82 de la Constitution. Pourtant, la haute juridiction ne semble pas avoir été consultée, pas plus qu’elle n’a validé, dans les délais de l’article 73 de la Constitution, les résultats provisoires de l’élection présidentielle du 11 avril dont le CMT dit en prendre acte.

Dans son discours, le président du CMT essaie de justifier sa prise du pouvoir par le « péril qui menace encore le Tchad …et qui pourrait compromettre gravement l’avenir de la Nation ».

Cet argument est faux. Idriss Déby a repoussé de nombreuses tentatives de renversement de son régime par les armes sans jamais recourir aux pouvoirs exceptionnels de l’article 97.

L’intérêt supérieur de la Nation « tendant à maintenir la paix, la sécurité et d’éviter une déstabilisation du Tchad » argué dans le préambule la Charte de transition pourrait parfaitement être préservé, sous la présidence intérimaire de Kabadi, par les forces de défense et de sécurité qui sont, faut-il le rappeler, « au service de la Nation », « soumises à la légalité républicaine » et « subordonnées au pouvoir civil » comme l’énonce très clairement l’article 197 de la Constitution.

Les généraux se sont donc emparés illégalement des pouvoirs exceptionnels du président de la République prévus par l’article 97 de la Constitution sachant, sans doute sous des mauvais conseils des constitutionnalistes de Déby, que l’exercice de ces pouvoirs n’est pas confié au président de l’Assemblée nationale lorsqu’il assure l’intérim du Président définitivement empêché. Ils ont, en outre, décidé de l’Etat d’exception sans consulter aucunement le président de la Cour suprême, en violation de l’article 97.

Mais puisqu’ils se démènent depuis le 20 avril 2021 pour donner l’impression que leur putsch s’articule à l’ordre juridique préexistant et qu’il est une réaction légitime contre le désordre qui risquerait de faire irruption dans le fonctionnement normal de l’Etat, ils doivent savoir que cet ordre juridique qui le justifie organise le droit de résistance. Il est rappelé dans le préambule de la Constitution que nous « proclamons solennellement notre droit et notre devoir de résister et de désobéir à tout individu ou groupe d’individus, à tout corps d’Etat qui prendrait le pouvoir par la force ».

Face au coup d’Etat qui arrache tous les pouvoirs pour les remettre entre les mains d’un seul individu, le droit de résistance consacré par la Constitution ne saurait être réprimé par ceux là même qui ont décidé dans leur Charte (art. 102) qu’elle reste applicable dans ses dispositions qui ne lui sont pas contraires. Le peuple tchadien acceptera-t-il de se mettre à genoux ? Wait and see.

L.A

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Publié par sur fév 11 2013. Archivé sous Evènement, Faits divers. Vous pouvez suivre les réponses à cet article par le RSS 2.0. Vous pouvez laisser une réponse ou un trackback sur cet article

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