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L’Etat a bien mis des procédures de passation de marché pour mettre fin à la boulimie de fonctionnaires véreux. Pour les marchés publics, la loi prévoit qu’au-delà d’un seuil de 10 millions d’ouguiyas, la commande publique passe par un appel d’offre. Mais c’était compter sans le « génie » des responsables mauritaniens pour contourner les lois. Pour se jouer de Thiam djombarla réglementation et les plafonds limites exigés, les prédateurs éclatent ainsi les marchés en petits lots pour passer outre l’exigence légale et au passage bien se servir.

Comment dépecer, charcuter un budget sans en donner l’air? Comment violer la réglementation et éviter d’attirer les soupçons de l’IGE? Comment finalement détourner l’argent public en restant dans la « légalité» ?

Mardi, la direction du budget grouille de fonctionnaires à la recherche d’un peu d’ombre pour élire bureau. Les leurs sont en chantier. Dans un pavillon on colmate des murs. Dans un autre c’est l’odeur entêtante de la peinture qui rappelle que les peintres occupent les lieux. L’agent d’accueil est assise dans les dédalles, cahier de décharge entre les jambes. On s’étonne de ce décors kafkaïen de l’administration. Une réponse fuse d’un fonctionnaire : «c’est pour manger ». L’allusion est très claire. Tous ses travaux sont entamés pour justifier des dépenses scabreuses. Une opération de fractionnement de grande envergure des marchés publics à travers des bons de commandes de 8, 7 et 10 millions. A titre d’exemple la fourniture de la peinture est attribuée à une société. Les carreaux à une autre. La plomberie une troisième. La mise en place du réseau électrique décerné encore à un autre entrepreneur. La démolition du bâtiment à une énième entreprise. Mieux encore, l’an a poussé l’éclatement des marchés à la réhabilitation du bureau d’un directeur et celui de sa secrétaire qui ont fait l’objet chacun d’un bon de commande au profit d’une société écran. Un véritable puzzle. Et c’est ce qui explique que le grouillement des ouvriers à la direction du budget. Et des dossiers de paiements qui s’entassent sur les bureaux du nouveau DG. Surtout depuis que la presse s’en est mêlée. Il faut aller vite et proprement !

Le stratagème de l’éclatement des marchés en petites commandes s’explique d’abord par le souci d’échapper au contrôle des commissions et des circuits normaux des marchés. Les fonctionnaires veulent se donner bonne conscience qu’ils « respectent » la loi en restant dans les tranches des plafonds autorisés.  Pourtant, même le fractionnement des dépenses est prohibé par la règlementation (Art 61 de la loi 044 du 20 juillet 2010 portant code national des marchés publics). Une réglementation que tous les fonctionnaires des finances récitent comme la Fatiha. C’est donc en procédant de la sorte que 200 millions sont immobilisés par le ministre des finances qui en a fait sa règle fétiche. Le procédé utilisé favorise ainsi la surfacturation et en conséquence le détournement des deniers publics. Certaines sources évaluent les dits travaux au budget au prix réel de 30 millions d’ouguiyas alors que le coût des bons de commande émis dépasse les 200 millions.

En fait, l’affaire des travaux suscités au sein de la DG du budget n’est que l’arbre qui cache la jungle des détournements déguisés. Pas besoin de pousser loin l’investigation. Au ministère des finances, c’est un secret de polichinelle. Finalement toutes les directions du ministère des finances sont éclaboussées par de telles pratiques à commencer par le très « sobre » directeur général des impôts, Mokhtar Ould Djaye (notre photo),  pour des réhabilitations pour un coût de 20 millions d’ouguiyas. Un autre marché éclaté en petits bons de commandes pour ne pas avoir à initier un avis d’appel d’offre. On le savait déjà très discret sur les ristournes gagnées sur dos des contribuables des impôts ; mais on ne pouvait le soupçonnait (pour 20 millions d’ouguiyas) exhiber cette seconde nature. Même opération au trésor public pour des marchés fractionnés de 60 millions d’ouguiyas, à la DGDPE aussi c’est 15 millions d’ouguiyas…Et la liste est longue. Toutes ces dépenses scabreuses ont été faites en usant et abusant des bons de commande sans aucune forme de contrôle sur les prix.

Exceptionnellement, seule, la DG des douanes s’est refusée à cette mascarade et à la violation des règles de passation de marché public en optant pour un appel d’offre par le biais des commissions des marchés mises en place à l’effet de transparence et de la libre concurrence pour la réhabilitation de ses locaux.

Il faut bien faire ici le parallèle avec l’exécution du budget en 2014 où le ministère des finances était crédité au 31 octobre 2014 de plus de 300 millions d’ouguiyas qu’on s’ingénue aujourd’hui à pomper par de tels marchés.

C’est là un énième exemple de gabegie au vu et au su de tout le monde comme pour dire qu’il y a dans ce pays, en dépit des slogans, des fonctionnaires au-dessus des lois. Le comptable de l’ambassade mauritanienne aux EAU a été jeté en prison pour moins que ça! C’est à se demander aussi si l’IGE est un organe coercitif de contrôle la fiabilité des dépenses publiques ou tout simplement un outil servant à épingler les « indésirables » ?

Affaire à suivre