Soupçonné d’être l’un des bourreaux de l’organisation Etat islamique (EI) lors de l’exécution de 18 soldats syriens et de l’Américain Peter Kassig sur une vidéo mise en ligne le 16 novembre, le jeune Français Maxime Hauchard a effectué un séjour en Mauritanie en été 2012.
Le djihadiste, qui semblait peu au fait des préceptes de l’islam, a tenté de rejoindre les katibas d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) au Sahel avant de s’engager avec l’EI. «J’ai le souvenir d’un jeune homme au visage imberbe et poupin, tout le contraire de l’homme au regard impitoyable et à la barbe hirsute que l’on a vu à la télévision. Il était toujours accompagné d’un Maghrébin ventripotent avec qui il conversait en français. Je ne me souviens pas de l’avoir entendu parler l’arabe», témoigne Mohamed, propriétaire d’une boutique située à proximité de l’une des mosquées fréquentées par le jeune Français à Nouakchott.
Maxime Hauchard, alias Abou Abdallah al-Fransi, avait ses habitudes à Tevragh Zeina, le quartier chic de la capitale, avec ses imposantes bâtisses construites par la bourgeoisie mauritanienne et louées à prix d’or aux populations expatriées. Vraisemblablement, le jeune homme ne disposait que de peu de moyens pour financer ses besoins quotidiens. «Il essayait de vendre une Renault», se souvient Abdel Kader, imam à la mosquée Lahjar, où le Français venait prier. Le commerce de voitures d’occasions immatriculées en Europe est un moyen souvent utilisé par les routards étrangers pour financer, à moindre coût, leur périlleux voyage par la route depuis le Vieux Continent.
Sujet sensible
«Il s’est présenté à moi comme tous les autres fidèles. Je n’ai rien vu en lui qui indiquait une tendance à la radicalisation», assure le même imam qui ne souhaite pas en dire plus sur sa relation avec le jeune homme. Selon des témoignages recueillis par Le Temps , la sécurité mauritanienne a contacté plusieurs mahdhara (écoles coraniques) et certaines mosquées de la ville, enjoignant les personnes ayant côtoyé le djihadiste à ne pas se confier aux journalistes. Le sujet est extrêmement sensible. «Personne ne communique. On a le sentiment d’être face à un tabou, qu’il y a quelque chose à cacher sur ce dossier», constate Jemal Oumar, correspondant pour plusieurs médias internationaux à Nouakchott.
Même si aucun imam ne veut le confirmer, Maxime Hauchard a bien fréquenté au moins trois mosquées de la ville, a-t-on appris. Sur son blog, oumeir.blogspot.com, Mohamed Fall Oumeir, l’un des pionniers de la presse mauritanienne, raconte l’avoir vu à plusieurs reprises à l’heure de la prière dans une mosquée du centre-ville de la capitale. Il dresse le portrait d’un homme qui ne maîtrisait pas les préceptes de l’islam. «Il avait une manière bancale de prier et paraissait méconnaître l’islam. Je lui ai donné quelques indications de base», explique le journaliste. Malgré ses lacunes théologiques, le jeune homme semblait déjà très déterminé et sérieusement radicalisé. «Il s’interdisait de regarder la télévision et ne s’adressait aux femmes que par contrainte et en leur tournant le dos», témoigne, sous couvert de l’anonymat, un Mauritanien qui l’a fréquenté.
A Nouakchott, le Français est décrit comme un loup solitaire, un jeune homme très discret, en quête de mentors capables de lui prodiguer un enseignement rigoriste. «C’est en France qu’il a commencé à fréquenter les sites djihadistes. Il espérait obtenir de quoi alimenter cet enseignement radical en Mauritanie. Mais il n’a rien trouvé de tel», assure Isselmou Ould Mustapha, directeur de l’hebdomadaire Tahalil et spécialiste de la question terroriste en Mauritanie. Dans les milieux salafistes radicaux, la Mauritanie est réputée pour avoir produit plusieurs cadres djihadistes de renoms, comme Mahfoud Ould el-Walid, ex-numéro trois d’Al-Qaida, désormais repenti et maintenu en résidence surveillée à Nouakchott.
Selon une source diplomatique, Maxime Hauchard est parvenu à entrer en contact, via Internet, avec des représentants d’AQMI. Il avait pour objectif, dans un premier temps, de rejoindre les katibas terroristes du Sahel. Mais son plan est resté à l’état de projet. Est-ce la raison pour laquelle le jeune homme n’a jamais été inquiété par la sécurité mauritanienne?
Loi antiterroriste
Le chef de l’Etat, Mohamed Ould Abel Aziz, réélu pour un second mandat en juin dernier, a fait de la lutte contre les filières djihadistes la pierre angulaire de son programme sécuritaire. La loi antiterroriste de 2005 a été renforcée cinq ans plus tard avec des modifications jugées «liberticides» par l’opposition, qui dénonce la légalisation des écoutes téléphoniques et des perquisitions menées à n’importe quelle heure chez toute personne suspecte. Jugée en revanche «efficace» par Paris, cette législation a conduit à l’arrestation de plusieurs dizaines de salafistes mauritaniens, dont les meurtriers de quatre touristes français, tués à Aleg en 2007. Leur peine capitale a été récemment confirmée par la Cour d’appel du Tribunal de Nouakchott.
Claude-Olivier Volluz et Mohamed Diop Nouakchott