Après 12 ans et trois mandats à la tête de la Francophonie, l’ancien président sénégalais Abdou Diouf cède sa place. Cinq personnes sont candidates à sa succession, aucune n’attirant pour l’instant le « consensus » souhaité par Paris.
Qui va succéder à Abdou Diouf à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ? Réunis les 29 et 30 novembre à Dakar, au Sénégal, les chefs d’État et de gouvernement des 57 pays membres vont devoir choisir, à huis clos, le nom de celui ou celle qui succèdera à l’ancien président sénégalais (1981-2000).
Contacté par France 24, Jean-Louis Roy, ancien secrétaire général de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (1990-1999), l’un des cinq pôles de l’OIF, dresse le profil idéal du patron de l’organisation : « Il doit rassembler, pour ‘tenir ensemble’ les pays membres ; trouver les mots justes et savoir communiquer clairement, notamment en cas de crise ; avoir un peu d’audace pour obtenir des avancées ; et enfin avoir l’énergie physique que nécessite la fonction. »
Absence de consensus autour d’un candidat africain
Cinq candidats, dont quatre Africains, briguent le poste. Mais aucun n’a pour l’instant tiré son épingle du jeu. En juin, Paris a demandé aux pays africains – qui représentent plus de la moitié des membres de l’OIF – de trouver un consensus entre eux, espérant reproduire le principe qui avait prévalu lors de la nomination d’Abdou Diouf et de l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali avant lui. Sans succès.
L’ex-président burundais Pierre Buyoya, médiateur reconnu sur le continent noir – il est actuellement haut représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, aurait un profil politique lui permettant de prendre la suite d’Abdou Diouf. Étant donné le calendrier électoral chargé en Afrique en 2015 et 2016, notamment les élections présidentielles dans les deux Congo, l’homme peut faire valoir ses talents de diplomate. Mais son arrivée au pouvoir par un coup d’État militaire (en 1987) entache sa réputation.
Les trois autres candidats africains ne sont pas non plus exempts de handicaps. L’ex-ministre des Affaires étrangères et journaliste mauricien Jean-Claude de l’Estrac, actuel secrétaire général de la Commission de l’Océan indien, souffre d’être peu connu en dehors de sa zone. L’écrivain Henri Lopes, ancien Premier ministre du Congo-Brazzaville et actuel ambassadeur en France, mène campagne en jouant sur son expérience. Mais à 77 ans, son âge pourrait jouer contre lui, tout comme ses nombreuses candidatures malheureuses au secrétariat général de l’OIF par le passé. Quant à Agustin Nze Nfumu, candidat venu de Guinée équatoriale, il semble n’avoir que peu de chances. Son pays, dirigé depuis 1979 par Teodoro Obiang Nguema, en plus d’être largement hispanophone n’est pas un exemple de démocratie.
Une femme non-africaine à la tête de la Francophonie ?
Une règle non écrite veut que le secrétaire général de l’OIF soit issu d’un pays du Sud. Certains estiment même que le poste doit rester une chasse gardée africaine. Mais face à l’absence de consensus autour d’un candidat venu d’Afrique, une Canadienne a des chances de s’imposer. Michaëlle Jean, ex-gouverneure générale du Canada (c’est-à-dire représentante de la Couronne britannique au Canada), chancelière de l’université d’Ottawa, bénéficie du poids que représente son pays et de la province francophone de Québec au sein de l’OIF. Envoyé spéciale de l’Unesco en Haïti, dont elle est originaire, elle pourrait apporter un vent de nouveauté en étant la première femme à accéder la tête de la Francophonie. La choisir « bouleverserait la tradition qui veut qu’un homme dirige l’organisation » et « donnerait au discours de l’égalité hommes-femmes une réalité assez exceptionnelle », estime le Canadien Jean-Louis Roy.
Sauf en cas de veto sur une candidature non-africaine, les chefs d’État pourraient donc donner sa chance à cette ancienne journaliste qui souhaite « établir une feuille de route pour maintenir l’action politique de la Francophonie » et y adosser « une stratégie économique plus inclusive des forces vives que représentent les femmes et les jeunes ». Reste que l’actuel administrateur de l’OIF, Clément Duhaime, est lui aussi canadien ; il a, aux dires de nombreux diplomates, fait un travail « remarquable ». La nomination de Michaëlle Jean l’obligerait à céder sa place pour éviter une direction 100 % canadienne qui serait mal perçue.
Derrière les portes close du sommet de Dakar, dimanche 30 novembre, les chefs d’État et de gouvernement vont devoir trancher. En cas de blocage, Abdou Diouf a déjà assuré auprès des journalistes du « Monde » qu’il n’était « pas question » pour lui de prolonger son mandat. « C’est clair, net et précis », a-t-il insisté avant d’ajouter : « Et si vacance il y a, je réfléchirai pour proposer un secrétaire général intérimaire ». Une candidature de dernière minute n’est donc pas à exclure. « Je serais très surpris qu’on sorte de Dakar sans avoir choisi un nouveau secrétaire général », assure Jean-Louis Roy.