L’ancien président de la transition et chef de l’Etat (2005-2007), Ely Ould Mohamed Vall vient de signer une énième interview fleuve avec le site arabophone « Emel Jedid ». « Si Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi avait écouté mes conseils, le coup d’Etat de 2008 n’aurait pas eu lieu. » a-t-il dit.
« J’avais conseillé à Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, lorsque je lui ai transmis le témoin à la présidence de la République, en avril 2007, de choisir une personnalité militaire à la retraite comme ministre de la Défense et de s’appuyer exclusivement sur le Chef de l’Etat-major à l’époque, le colonel Abderrahmane Ould Boubacar pour son ancienneté, sa probité et son respect de la légalité constitutionnelle ».
Ces propos d’Ely Ould Mohamed Vall, recueillis par notre confrère « Emel Jedid » dévoilent, selon les observateurs, un pan de l’histoire politique récente du pays. Selon Ely, « Si Sidi m’avait écouté, le putsch qui l’a renversé en 2008 n’aurait pas eu lieu et Mohamed Ould Abdel Aziz n’aurait pas accédé au pouvoir ». D’après lui, Sidi Ould Cheikh Abdallahi a compris trop tard la sagesse de ses conseils lorsqu’il renouvela sa confiance au colonel Ould Boubacar, mais à seulement une heure avant le coup d’Etat.
Ely Ould Mohamed Vall trouve que le pays a connu plusieurs coups d’Etat entre 1978 et 2005, mais selon lui, « ce qui s’est passé en 2008 est une rébellion menée par un seul individu et non un coup d’Etat ». Ce putsch, honni d’après lui aussi bien par le peuple, l’armée et la communauté internationale, l’a profondément déçu, car selon lui « j’ai œuvré avec abnégation pour le changement du système politique, l’instauration d’un pouvoir civil issu de l’aspiration populaire, des institutions démocratiques susceptibles d’évoluer par leur propre dynamisme, etc. »
Ely ne se considère pas cependant porteur d’une quelconque responsabilité dans le putsch de 2008, soulignant avoir accompli ce qui lui était politiquement et juridiquement possible de faire, à savoir mettre sur orbite un système démocratique équilibré et accepté par le peuple mauritanien. Il déclare avoir laissé le pouvoir aux civils, croyant l’avoir assez immunisé contre tout coup d’Etat militaire.
L’ancien président du CMJD trouve que Sidi se croyait à l’abri d’un putsch, et qu’il ne s’est rendu compte de son erreur que trop tard, pour avoir mis son destin et celui du pays, entre les mains d’un seul individu qui prétendait détenir des pouvoirs super naturels en termes de sécurité. Ce dernier (sous entendu Mohamed Ould Abdel Aziz) aurait ainsi profité de la situation pour éloigner ses adversaires au sein de l’armée, tissant sa toile en faisant main basse sur toutes les institutions militaires et sécuritaires, cachant tout au président qui ne verra rien venir avant sa chute.
Pour Ely, Sidi Cheikh Abdallahi aurait eu pu éviter le scénario de son éviction, s’il avait choisi « comme je le lui avais conseillé, un officier à la retraite au ministère de la Défense et donné pleine confiance au colonel Abderrahmane Ould Boubacar, encore Chef d’Etat-major à l’époque ». L’amertume a été ainsi grande aux lendemains du putsch de 2008, selon Ely, dans la mesure où il ramenait le pays à la situation antérieure, celle du pouvoir militaire, mettant fin au rêve d’un Etat démocratique, un Etat de droit aux institutions républicaines respectées et respectables.
Par rapport à la situation actuelle, Ely Ould Mohamed Vall trouve que le pays se trouve aujourd’hui dans une situation désastreuse, dans la mesure où il a perdu sur le plan international son image et son prestige, mais surtout la confiance populaire, se transformant en Etat bananier où s’est installée une crise politique, sociale et économique endémique. Selon lui, le coup d’Etat de 2008 a fait perdre à la Mauritanie 5 Milliards de dollars U.S que les donateurs étaient prêts à débourser après la réunion de Paris.
Cela sans compter les 100 Millions de dollars qui allaient servir aux infrastructures routières à Nouakchott et Nouadhibou, ainsi que la promesse faite par les bailleurs de construire 5 à 8 kilomètres de route dans toutes les Moughataas du pays. Tous ces financements, selon Ely, ont disparu après la rébellion Azizéenne qui mit fin au pouvoir de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. A la place, dira-t-il en substance, le pays a été soumis à une navigation à vue, prenant l’exemple de la SNIM.
Les revenus de la société minière, qui avaient atteint selon lui 5 Milliards d’UM dans les années passées, ont été orientées vers des investissements improductifs (création d’une compagnie aérienne, construction de routes, d’un aéroport, création de nouvelles Moughataas, etc) au lieu qu’une partie de l’enveloppe soit placée dans un compte pour générations futures, ou injectée dans des placements internationaux générateurs d’intérêts.
Par rapport au respect par Mohamed Ould Abdel Aziz de son serment relatif à son engagement à ne pas changer la Constitution pour se présenter une troisième fois, Ely dira que Mohamed Ould Abdel Aziz n’a jamais respecté sa parole par le passé et qu’il n’y a pas de raison pour qu’il change d’attitude. Selon Ely, l’absence de l’Etat et la déliquescence des institutions républicaines explique le repli identitaire actuel, les Mauritaniens ne trouvant comme aile protectrice que leur tribu, leur faction ou leur ethnie.
MOMS