Très peu y croyait. Je me souviens des années 90, lorsque nous évoquions, ensemble avec quelques frères africains, à partir de la plateforme financière de Hong-Kong, le partenariat entre cette Chine des affaires et les hommes d’affaires de l’Afrique. Ce fut déjà la 5eme plateforme financière du monde où venait déjà s’approvisionner les grosses firmes nord-américaines et européennes dans une moindre mesure. Il fallait que l’Afrique aussi participât à cette mutation économique de la planète qui s’y affichait.
Hong-Kong apparaissait comme le bout par lequel le gigantisme chinois allait s’éveiller s’ouvrir sur le monde des affaires. Du fait de son statut et de son long passé britannique, la métropole était devenu, à lui seul, le condensé du fameux modèle chinois: un pays, deux systèmes. Les accords de rétrocession de l’île entre la Grande-Bretagne capitaliste et la Chine communiste prévoyaient de préserver l’économie de marché très florissante sur l’île quand bien même le système politique devrait presque virer au rouge. Mais on savait tous que la Hong-Kong du business allait tenir. Ce qui avait motivé nos espoirs de voir notre continent arrimer à ce nouveau pôle.
La grande Chine connaissait déjà l’Afrique, et vice versa, grâce à la guerre froide. Les « progressistes » en lutte de libération ou sous régime dit révolutionnaire avaient pion sur rue dans les allées du Parti communiste chinois (PCC) contrairement aux « conservateurs » sous l’emprise de l’Occident capitaliste. C’était la grande époque des réalisations d’Etat à État (stades, gymnases, palais des congrès, centres culturels, hôpitaux militaires, universités etc…). Il fallait alors envisager une autre approche, celle du business privé vers la Chine, débarrassé des considérations politiques jusque là tournées vers les investissements de prestige. Hong-Kong devenait, de fait, la terre du capitalisme en plein orient. Ce n’était plus nécessaire d’aller en occident avant de faire prospérer des capitaux. Les Africains avaient vraiment un grand rôle à jouer du fait de la proximité culturelle, historique voire sociologique.
La grande rencontre sur le partenariat privé Chine-Afrique tenu à Cotonou en avril 2005 que j’ai d’organisé avec un grand expert-armateur Laurent Takassi du Togo obéissait à cette volonté d’un nouveau départ du secteur privé. C’était un appel à l’initiative privée africaine vers la Chine. Mais, une fois encore, c’est la Chine-Afrique étatique qui semble avoir pris le dessus. Les États africains ont pris d’assaut une destination où les privés avaient pourtant leur carte à jouer. Les sommets officiels Chine-Afrique qui drainent désormais plus de monde que les autres sommets du même genre avec d’autres puissances mondiales ont littéralement étouffé tous les élans d’acteurs prives. Les États africains vont jusqu’à traiter directement avec des entreprises privées chinoises en laissant en rade des entrepreneurs du continent à qui était arraché même le statut d’intermédiaires légitimes. Même l’Union Africaine en tant qu’institution continentale s’est engouffrée dans cette ruée vers l’empire rouge. Tout cela au détriment du partenariat privé Chine-Afrique. Un opérateur chinois préfère aujourd’hui s’adresser directement à un gouvernement politique en Afrique que de passer par un correspondant privé local. Les difficultés actuelles de cette Chine-Afrique entre États présagent déjà d’un réajustement inévitable qui mettra, d’ici là, en orbite les opérateurs privés africains qui n’ont pas baissé les bras malgré l’intrusion inadéquate et tonitruante de leurs États respectifs. Le partenariat privé Chine-Afrique est loin d’avoir vécu et n’a pas encore dit son dernier mot.
La chronique du Docteur OUSSENI BANAO, panafricaniste, d’origine Burkinabé