Alors que les discours officiels multiplient les appels pour raffermir les bases de la stabilité et font, à longueur de journées l’éloge de la cohésion et de la paix sociale, les représentants de l’Etat dans la Vallée semblent vivre dans une autre planète.
En effet, depuis quelques semaines, les populations des sites des rapatriés Mauritaniens du Sénégal vivent sous le choc et la désillusion.
Privés de tout, oubliés des « largesses » de la collectivité, discriminés, stigmatisés et phagocytés entre les administrations, il ne manquait plus aux rapatriés que de voir les autorités sécuritaires, notamment celles de la gendarmerie leur faire la chasse au faciès, comme pour leur dire qu’ils n’ont qu’à rentrer d’où ils étaient venus ou vers où ils avaient été déportés en…1989.
« Jamais, raconte l’un d’eux, nous n’avions vu un agent de l’Etat faire montre d’un racisme si affiché et déclaré à l’encontre des populations locales, surtout celles rapatriés des camps du nord du Sénégal entre 2008 et 2010 ».
Les populations rapatriées reprochent au commandant de brigade de gendarmerie de la ville de Boghé, de tout faire pour leur mener la vie difficile, notamment en décourageant les parents à enregistrer leurs enfants aux fichiers de l’état civil.
Selon elles, ce commandant (pourtant issu d’une caste dont les activistes s’insurgent actuellement contre l’ostracisme dont elle serait victime) ne trouve pas mieux, pour arrêter, à tour de bras, que de pointer ses éléments devant le bureau d’enrôlement à l’état civil. Chaque personne parmi les rapatriés qui se présenterait avec un jugement attestant la paternité d’un enfant candidat à l’enrôlement est systématiquement interpellée.
Les témoins dont les noms figurent au jugement sont aussi très souvent mis au frais. Après les trois jours de garde à vue, ils sont déférés à Aleg, sans en savoir la raison, le plus souvent après avoir signé des PV rédigés en arabe et très souvent, sans qu’un interprète ait lu le contenu des déclarations qui y sont consignées. Le pire, selon les populations qui nous ont contactées au téléphone, est qu’une fois devant le Procureur à Aleg, celui-ci ne cherche souvent même pas à pousser l’enquête, se contentant de demander au juge d’instruction de délivrer un mandat de dépôt à la prison d’Aleg.
Plus grave, le juge ayant émis le jugement, en l’occurrence n’est jamais impliqué dans ces procédures que personne ne pourrait comprendre autrement que l’acharnement zélé d’un gendarme, visiblement nostalgique des pratiques chauvines des années 89, épaulé par un appareil judiciaire incapable d’être indépendant, neutre et à même de respecter les décisions de ses propres magistrats.
Ironie du sort, tous issus de la même communauté, le reproche de racisme et les dénonciations de la mainmise d’une communauté sur les différents leviers du pouvoir et de l’autorité dans la Vallée ressurgissent ici dans leurs manifestations les plus humiliantes et les plus irrespectueuses de la loi, de la citoyenneté et des droits de l’homme.
Ainsi, depuis le 21 décembre, Abdoulaye Yero N’Dongo, un vétéran de la guerre du Sahara et les deux témoins Abou Moussa Sow et Aliou Demba (ancien militaire), croupissent à la prison d’Aleg, sans raison autre que l’acharnement du gendarme et de magistrats d’Aleg contre les populations rapatriées! M. N’Dongo, rapatrié en 2009 avait établi un jugement de reconnaissance de paternité pour son enfant, né en 2011 dans le camp de Houdalaye (Boghé).
Ses voisins qui connaissent bien les faits et les parents du bambin ont accepté de témoigner devant le cadi de Boghé, qui a établi un jugement selon la loi. Une fois devant le centre d’enrôlement, M. N’Dongo a été interpellé par les gendarmes devant le commandant de Brigade, une procédure est tout de suite ouverte. Les deux témoins, M. Bâ et Sow sont convoqués et écroués avec M. N’Dongo dans le violon de la brigade.
Sans aucune vérification d’usage sur la présence physique de l’enfant et de sa mère et sans aucune autre audition d’autres villageois censés bien connaître le cas du couple, les trois hommes sont envoyés à Aleg et directement déposés en prison. Lundi dernier, c’était au tour d’un vieil homme, Mamadou Diallo, 84 ans, originaire du site de Mourtoungal (est de Boghé) qui avait établi un jugement de paternité pour son enfant à bas âge au niveau du même cadi de Boghé qui a été interpellé par le fameux commandant de brigade.
Mis aux arrêts avec son enfant, l’un des témoins, Hamidou Diallo, figurant au jugement fût, lui aussi interpellé. Présentés au tribunal d’Aleg, mercredi matin, le vieil homme et son enfant à bas âge ont été libérés sous condition, alors que le témoin, Diallo Boubou a été déféré à la prison d’Aleg.
Mardi, deux autres personnes issues du site de Bellel Ournguel (est de Boghé) ont été arrêtées à Boghé par la même brigade de gendarmerie qui semble faire de la « chasse aux rapatriés » sa principale et unique mission de « sécurité » dans le département. Cette situation d’harcèlement des rapatriés afin qu’ils ne puissent s’enrôler dans les registres de l’état civil, même en suivant les procédures normales que suivent tous les Mauritaniens, trahit-elle une politique voulue par l’Etat ou serait-elle du fait d’actes isolés d’éléments chauvins qui agissent en dehors de la loi, dans lequel cas, ces agents devraient être entendus et sanctionnés.
Les faits sont très graves pour être tus et négligés par l’Etat. Surtout quand on sait qu’au mois de mai dernier, le Président Aziz qui avait reçu une délégation de l’Union des rapatriés Mauritaniens du Sénégal, s’était engagé à mettre en place des unités mobiles pour l’enrôlement de ces citoyens.
Non seulement cette promesse n’a pas été tenue, mais les agents du pouvoir et les forces de « l’ordre » font tout pour dissuader ces populations meurtries de prétendre à la jouissance de l’un des droits les plus élémentaires dans la vie, le droit à l’état civil et à la reconnaissance de son identité!
Par ailleurs, est-il concevable, dans un Etat de droit, qu’un juge, en l’occurrence celui de Boghé, rende des sentences que la gendarmerie conteste et remette en cause ? Est-il logique, dans un pays qui se dit normal, qu’un magistrat (Procureur et juge d’instruction) désavoue si légèrement leur collègue en suivant systématiquement les « instructions » de la gendarmerie, humiliant ainsi leur collègue ?
Ont-ils oublié qu’humilier un collègue est un désaveu de tout le système judiciaire du pays ???? En tout état de cause, la situation est plus que grave. Le président Aziz est en train de faire face au sabotage des brebis galeuses du système qui le narguent et le défient en passant non seulement outre ses propres instructions proclamées, mais aussi en mettant la cohésion sociale et la paix civile en jeu. Tout comme ils avaient fait avec Ould Taya…
MOMS
L’Authentique