Cheb Khaled : QUAND VOTRE SERVITEUR PASSAIT LE BAC…
A la Une, Actualites, Ciné&Art, Culture-Société 21 Août 2021QUAND VOTRE SERVITEUR PASSAIT LE BAC….
J’ai toujours, depuis le collège, pris l’habitude de négliger l’école. Pour moi, dans un lycée respectable, seules comptent les belles filles. Car l’ambiance qu’elles provoquaient suffisaient à occuper les esprits. Plus donc de place aux algorithmes nazes, au processus de division des cellules et mythocondries, aux Qasida d’Abou Naouass…
Ainsi, chaque jour, je pensais à mes devoirs, et à mon prof, à travers la frimousse toute fraîche de la mignonne polissonne. Et je rêvais de son regard qui cherchait le mien…quand le mien, tout emballé, pendant le cours, cherchait le sien. Donc, je n’étais pas porté sur les choses de l’esprit ; surtout que, de façon bizarre, j’associais l’intelligence vive et l’amour de l’école à un tempérament pédéraste, doublé d’un goût plouc et d’une propension à distiller l’ennui. Les faits m’ont toujours prouvé la pertinence de mon jugement. Du moins au sein des lycées de la République.
J’étais une petite coqueluche et j’en usais à merveille, avec des bras d’honneur de fait, exécutés sous les yeux de tous les bons élèves. Je détestais les cahiers. Car les filles, ah les méchantes, penchaient pour les bonnes compagnies et s’abstenaient de gâcher leur glamour par l’assiduité ou par le brio. Une belle fiche ça doit être un peu con.
Donc, j’etais un élève qui aimait être vu. Et qui allait se faire voir, tout le temps, chez les pucelles.
Les profs, ou certains d’entre eux, surtout les plus vieux, me reconnaissaient ce don, très particulier, et très gênant, de préférer ma copine de classe à mon cahier, à mes notes, à mon bulletin et aussi au Directeur de l’établissement.
Certains me trouvaient adorable et fermaient les yeux. D’autres, ceux qui draguaient secrètement, ou qui regrettaient de ne pouvoir le faire, me déclaraient, sur ce plan, une guerre toute de haine enrobée . Ça me donnait un enthousiasme de ouf, car je bénéficiais alors de l’appui du public et profitais, ça n’est pas rien, de mon statut de mini héros, défenseur de la sensualité et conquérant ferme des droits à l’émancipation étudiante et à la liberté sentimentale.
Je détestais les cours sur les roches et les mathématiques..tout comme j’abhorrais les leçons d’instruction civique et les dessins ridicules des cellules, des tubes digestifs et des œsophages.
Bref, j’étais un mauvais élève impoli.
Le bac ! Pour moi, ça n’était rien. Doubler ou réussir me semblaient presque identiques. C’était à l’époque où mes nerfs étaient candides. Où mon goût aux autres choses me permettait de ne pas me passionner pour d’autres « autres choses”. Vous pigez toujours ?
Ah oui, le bac.
Je n’ai jamais vu la gueule du prof des maths. Sauf une fois ou deux, une semaine avant l’examen. Le prof de sciences, une autre matière secondaire inutile, ne m’a vu qu’un seul après-midi. D’ailleurs ce fut un cours chahuté où je dus démontrer mon ignorance du corps humain et mon indifférence, déroutante, vis-à-vis du baccalauréat.
Mon raisonnement était pourtant correct. Mais il était stupide car il était solitaire. Oui. J’avais envers le baccalauréat une attitude insolite. A la fois dédaigneuse et indifférente. Tout le monde le redoutait et s’y intéressait. Moi seul le narguais et m’en contrefichais. Mais il y a quand même une part de vanité dans tout ça. Je ne vous cache pas que quelque part, je cultivais un certain dessein d’épater. En méprisant royalement ce qui fait trembler tout le monde.
Le jour du bac n’était pas un jour trop différent.
Je m’appliquai à bien traiter les matières principales, toutes littéraires ou semi littéraires ; dont la géographie, insupportable et fadasse .
Au lieu de faire la sieste, je venais chez mon cousin, studieux et raffiné, pour qu’il m’expliquât le monde des cellules qui se divisent, les équations mathématiques et des phrases d’anglais. C’était toujours un moment de joie. Car autant ma concentration, pour retenir des bribes, était osée, autant je me conditionnais dans mon statut d’élève bizarre, célèbre par une dégaine farfelue et un laxisme tonitruant. A juste titre j’allais écoper d’un 2,50 en math, d’un 2 ou d’un 3 en sciences.
Après l’examen, je partis taper dans le ballon, sur les dunes de Boutilimit.
Je ne viens jamais aux délibérations. C’est comme les meetings politiques. je m’y sens diminué, ignoré, presque asservi. Et du coup, je n’y viens que tellement peu.
Il y eut les délibérations. Et j’appris, loin de Nouakchott, que j’ai été admis.
Plus tard, je saurais que ma moyenne était de 10/20. Dix pile. Point zéro.
Cette justesse m’a longuement fait cogiter. Il y d’ailleurs avait combien de chance d’avoir un 10 sur 20, pile, sans décimale aucune ? Certainement très peu.
Plus tard, je remarquai que bon nombre d’amis avait ce 10 sec. Et ça m’a paru davantage troublant. Je me suis résolu à croire que ma note devrait être un 9 virgule quelque chose. Et qu’une MAIN de mansuétude et de générosité était juste passée par là. Pour repêcher.
C’était la MAIN D’ALLAH….
PS. Félicitations à tous les admis au bac 2021. Les futurs cancres de l’administration.
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