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sergeLe ministre malien de la Justice, Mohamed Ali Bathily, a confirmé, vendredi sur France 24, que l’ex-otage français Serge Lazarevic avait été libéré contre quatre jihadistes. Une information que l’Élysée refuse de confirmer ou d’infirmer.

La question de la contrepartie à sa libération faisait déjà polémique. C’est désormais officiel. Vendredi 12 décembre, le ministre malien de la Justice Mohamed Ali Bathily a confirmé en exclusivité à France 24 que l’ex-otage français Serge Lazarevic avait bel et bien été libéré en échange de quatre jihadistes.

« Ils ont pu être libérés parce que les circonstances l’ont commandé, la réalité d’une négociation l’a commandé », a déclaré Mohamed Ali Bathily. Selon le ministre, les autorités maliennes ont pour politique constante de « sauver la vie » des otages, y compris au prix d’ »échanges » de prisonniers.

« Chaque fois que des innocents ont vu leur vie menacée et que nous pouvions faire quelque chose dans ce sens là, nous l’avons fait – y compris à l’intérieur lorsqu’il s’agissait de Maliens –, nous l’avons fait de surcroît lorsqu’il s’agit de (ressortissants) de pays qui sont quand même venus nous aider dans des moments les plus critiques », a expliqué Mohamed Ali Bathily.

Le ministre a donné l’exemple de négociations conduites avec les groupes armés actifs à Kidal, dans le nord du pays, au terme desquelles « plus de 38 militaires maliens, des préfets, des policiers, des gendarmes maliens ont été libérés de la même manière et avec le même type d’échange ».

Arrivé en France mercredi 10 décembre, après trois ans de captivité au Sahel, Serge Lazarevic a été échangé contre des prisonniers liés au groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). La veille, France 24 et RFI avaient identifié deux des quatre prisonniers libérés, Mohamed Ali Ag Wadossene et Heiba Ag Acherif, comme ayant activement participé à l’enlèvement du Franco-Serbe à Hombari, au Mali, en novembre 2011.

« Quel poids pèse un Français par rapport à un Malien ? »

Or c’est justement l’identité de ces deux hommes qui avait déjà déclenché une polémique au Mali. En effet, plusieurs associations de défense des droits de l’Homme s’étaient insurgées contre la libération d’hommes déjà accusés de terrorisme. « S’il s’agit d’un succès pour la diplomatie française, pour nous c’est une grave violation des droits des victimes maliennes », avait protesté au micro de France 24 Me Moctar Mariko, président de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH). « S’il faut échanger un terroriste malien contre un otage français, ça voudrait dire que n’avons plus notre raison d’être. »

« Toutes les vies se valent. Aucune vie n’est supérieure à l’autre », a répondu le ministre de la Justice malien, affirmant qu’il n’y aurait pas d’impunité pour les suspects libérés. « La procédure est suspendue le temps de régler un moment historique et d’arriver à des résultats qui auraient pu être plus cruels pour des innocents », a-t-il nuancé.

Mohamed Ali Bathily également assuré de sa « compassion » la famille d’un gardien de prison tué par Mohamed Ali Ag Wadossene, assurant qu’ »il sera jugé pour ce crime-là ». Le ministre n’a cependant pas confirmé si les prisonniers libérés avaient fui le pays.

En France, l’association « Les amis de Ghislaine Dupont », journaliste de Radio France Internationale (RFI) enlevée et tuée le 2 novembre 2013 avec le technicien Claude Verlon lors d’un reportage au Nord-Mali, a affirmé que Mohamed Ali Ag Wadossene et Heiba Ag Acherif appartenaient au même groupe qui a revendiqué « l’assassinat ignoble » des deux Français.

« Ce n’est pas de gaieté de cœur que le Mali peut s’engager dans des décisions comme ça », a reconnu Mohamed Ali Bathily après la libération des deux suspects. « Elles relèvent d’une réalité politique plus forte qu’on ne peut pas ignorer dans les circonstances dans lesquelles le pays se trouve », a ajouté le ministre, tout en reconnaissant : « Le bénéfice est de garder encore une fois cette bonne coopération que nous avons toujours eu avec la France. »

Pour Paris, la libération de Serge Lazarevic résulte toujours officiellement d’un « engagement personnel » des présidents du Mali et du Niger, qui a été suivi de « très longs mois » de « discussions ». Le porte-parole du gouvernement français, Stéphane Le Foll, a refusé de confirmer ou démentir des informations faisant état de la libération de prisonniers d’Aqmi en échange de l’otage.