COMMUNIQUÉ DE L’OBSERVATOIRE GÉOSTRATÉGIQUE DU CERCLE DES IDÉES
L’Observatoire Géostratégique du Cercle des Idées exprime sa vive préoccupation face à l’aggravation des tensions sécuritaires et politiques qui fragilisent aujourd’hui le Mali et, par ricochet, l’ensemble de la région sahélienne. L’isolement diplomatique du régime malien, consécutif au retrait des forces internationales et à la rupture de plusieurs partenariats, a considérablement réduit la capacité de Bamako à contenir la progression des groupes armés dans le nord et le centre du pays. L’économie malienne, affaiblie par l’inflation, la contraction du commerce régional et la déstructuration des institutions civiles, s’enlise dans une spirale de vulnérabilité qui fait peser un risque sérieux d’effondrement partiel de l’État et de fragmentation du territoire. Cette instabilité interne se répercute inévitablement sur les pays voisins, en particulier la Mauritanie, liée au Mali par des frontières vivantes, des échanges économiques constants et une communauté pastorale étroitement intégrée.
La récente fermeture des frontières décidée par les autorités maliennes accentue ces tensions et menace directement les intérêts vitaux des populations mauritaniennes vivant le long des zones frontalières. Ces communautés, principalement composées d’éleveurs et de petits commerçants, dépendent de la libre circulation du bétail, de l’eau et des pâturages. Dans ce contexte, la Mauritanie doit réagir avec discernement et responsabilité, en préservant sa sécurité tout en défendant la continuité des échanges vitaux et la stabilité de ses régions frontalières. Il s’agit de garantir la protection des éleveurs autochtones contre les risques de pillages, d’amalgame ou de représailles, tout en maintenant des liens humains et économiques nécessaires à la paix sociale.
Sur le plan régional, l’Observatoire souligne que seule une coopération transfrontalière structurée et permanente permettra de lutter efficacement contre la montée du terrorisme et de la criminalité organisée. Ces deux phénomènes sont désormais intimement liés, alimentés par des trafics transsahariens (armes, or, carburant, drogue) et soutenus parfois par des réseaux issus de nos propres sociétés. Le Sahel concentre aujourd’hui plus de 55 % des victimes du terrorisme dans le monde, et le nombre de morts dus à ces attaques a été multiplié par douze entre 2018 et 2024, preuve d’une expansion rapide et d’une intensification alarmante du phénomène. La guerre asymétrique qui s’y déroule vise à remodeler les équilibres territoriaux et à occuper durablement les zones désertiques et frontalières les plus fragiles. Déjà, les pays côtiers africains sont touchés à leur tour, tandis que la piraterie maritime et les trafics illégaux perturbent gravement les activités économiques, notamment la pêche, essentielle à la sécurité alimentaire et à la stabilité sociale.
Face à cette menace systémique, l’Observatoire appelle les autorités mauritaniennes à adopter une approche intégrée et anticipative. Il convient de renforcer la surveillance des frontières, d’accélérer la mise en place de marchés pastoraux sécurisés, de points d’approvisionnement en eau et en aliments pour bétail, et d’ouvrir des couloirs commerciaux internes pour compenser la rupture des flux avec le Mali. Dans le même esprit, un fonds d’urgence transfrontalier devrait être créé afin de soutenir les populations impactées, et une cellule mixte de concertation et de médiation mise en place pour assurer la coordination entre les autorités locales, les forces de sécurité et les représentants communautaires.
Enfin, l’Observatoire réaffirme que la réponse à cette crise ne saurait être uniquement militaire. Elle doit s’appuyer sur une solidarité régionale repensée, la mutualisation du renseignement, la coopération technologique, et surtout une vision commune de la stabilité et du développement partagé. Le Sahel ne doit pas devenir un espace abandonné aux extrémismes ni un champ d’affrontements par procuration. L’heure est à l’action collective, à la lucidité stratégique et à la défense coordonnée de nos frontières, de nos populations et de notre souveraineté commune.
Nouakchott, le 26 Octobre 2025
L’Observatoire Géostratégique du Cercle des Idées
![]()